Martin HeideggerL’état de fait a été brisé par le fait d’origine – non pas de manière telle qu’une irruption du fait d’origine eût jamais été possible au sein de l’état de fait dominant. L’état de fait a été pour ainsi dire contourné quasiment comme s’il n’existait pas et l’ipséité rencontrée de manière élémentaire par le biais d’un chemin originaire nouveau. Le « Toi » de ton âme aimante m’a rencontré.

L’expérience de cette rencontre a été le commencement de l’irruption de mon ipséité la plus propre. Le fait de t’appartenir, à « toi », de manière immédiate, sans pont aucun, m’a mis en possession de moi-même.

Être nouveau, vivant, et ancien état de fait ont, dans un premier temps cherché à se compenser, la strate de l’état de fait, qui pesait de toute sa pesanteur propre, ne pouvait être mise d’un coup à l’écart. Des influences cachées de son type singulier continuaient à proliférer, et ce n’est que lentement que ses morceaux réduits en miettes en tombaient. – À ce moment-là l’expérience fondamentale du « Toi » est devenue une totalité dont les flots traversaient l’être-là… L’expérience fondamentale d’un amour vivant et d’une confiance véritable a conduit mon Être à se déployer et à croître. Elle a eu un effet créateur au sens que les types de comportement du travail intérieur, qui ne souhaitaient rien d’autre au départ que retourner vers le fait d’origine spirituel – ont fait irruption en partant de l’origine.

Heidegger, « Ma chère petite âme », Lettres à sa femme Elfride (1915-1970), Seuil, p. 406-407.

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