À en juger par le nombre d’articles écrits à ce jour de sa main, Oscar Gnouros est le principal contributeur de Morbleu !, place dont il est l’initiateur et sur laquelle il se plait à dévaler sa quotidienneté de Dasein.

Quoique de ce monde depuis l’année où l’Angleterre envahît les Malouines, Oscar Gnouros se plait à dire qu’il n’est né intellectuellement qu’à l’occasion du 11 septembre 2001.

Avant, réfugié dans une nébuleuse épochè, il se moquait bien du monde. Depuis, il médita de nombreuses années, et hésita même à se retirer sur une montagne tel Zarathoustra.

Un jour, il se résolut à aller parmi les hommes pour les abreuver de sa nouvelle sapience, qu’ils le veuillent ou non. Beaucoup n’ont pas voulu. Aussi s’est-il décidé, un jour, à créer ce blog sur lequel il publia tout ce qu’il put écrire depuis sa (re)naissance, sans jamais désavouer quoi que ce soit.

Morbleu ! est fier de vous présenter ci-dessous un extrait d’un entretien de cet animal qui, tel Jean-Baptiste Botul, en influence beaucoup tout en restant trop méconnu. « Certains naissent posthumes » disait Nietzsche.

Morbleu ! – Oscar Gnouros, bonjour. Tout d’abord, d’où vous vient ce nom improbable ?

Oscar Gnouros – Vous pouvez me tutoyer. Gnouros, comme en témoigne le grand Diogène Laërce, était le père du philosophe scythe Anacharsis, l’un des Sept sages. Autant vous dire que ce nom est chargé de toute la sagesse qui parfumait l’Antiquité. D’autant plus qu’Anacharsis n’était pas grec et précédait Socrate. Quant à Oscar, c’est sans doute – je ne l’ai jamais su – un hommage à Wilde. C’est, en tout cas, ce que je me plais à penser.

Vous pouvez me tutoyer aussi. C’est une histoire séduisante. Pourtant, Anacharsis n’est pas un des Sept sages…

Laissons ceci, voulez-vous ?

Oui. Vous dites être né le 11 septembre 2001. Tout le monde sait ce qu’il s’est passé ce jour-là, hormis votre renaissance.

Tutoyez-moi. Ce jour, ces avions détruisirent plus que des tours. En même temps que des vies, mon innocence d’adolescent, et celles de millions d’autres. L’ombre de Ben Laden fut la forme terrifiante que choisît de revêtir l’oracle de Delphes pour m’enjoindre à sortir de la profonde caverne où seule l’ignorance me tenait compagnie.

Tu n’avais donc jamais pensé avant ?

Bien sûr que si, mais jamais de cette manière. Il y eut une rupture dans ma méthode. Ce jour, je décidais, tel Descartes, de revoir « une fois en ma vie » l’ensemble de mes connaissances, à commencer celles que je m’étais forgées moi-même et de ne jamais m’arrêter dans ma recherche. D’une certaine manière, Morbleu ! est le récit de cette quête.

De quelle genre de connaissance parles-tu ?

Ce sont avant tout des questions philosophiques. Ces questions que chacun se pose dès l’enfance.

Dès l’enfance ?

Oui. Enfant, je fus un bon catholique romain baptisé. J’effectuais même ma communion, d’une part pour suivre mes amis, et d’autre part pour des motifs financiers, car je savais que j’aurais droit à des offrandes de mon entourage. Mais je n’eus qu’une gourmette en argent, ce qui affaiblit une première fois ma foi en Dieu. Celle-ci se renforça toutefois peu après lorsque le Tout Puissant répondit aux prières que je lui adressais quotidiennement tel un mystique, où je lui demandais que le cœur d’une camarade de classe qui obsédait mes pensées s’ouvre à moi.

Pourtant, aujourd’hui, tu te complets dans l’athéisme le plus forcené…

C’est l’aboutissement d’une longue évolution. Car « préadolescent », je devins agnostique, pour ne pas dire athée. Dieu daignait de plus en plus à m’accorder les choses et les personnes que je lui réclamais. Puis, peu après, je découvris presque simultanément l’Atlantide et la causalité. Ces deux choses m’obsédèrent alors presque autant que mon ex-camarade de classe. L’Atlantide me poussa dans les bras de Platon, du Timée, du Critias, et même à épouser les conceptions politiques de La République et du Politique, que je pensais sincèrement réalisables et souhaitables. La causalité quant à elle me fit douter sérieusement de l’existence de la liberté humaine, de la possibilité de la morale et de la justice, et me fit même redécouvrir l’existence de Dieu que je pensais alors intelligent et designer. Sans le savoir encore, j’avais réinventé et fait une synthèse de Spinoza, Leibniz et Saint Thomas.

Ce qui n’est pas rien à cet âge.

Bien sûr, c’était bien moins élaboré qu’eux, mais je suis convaincu que chacun en fait autant. La raison pose partout les mêmes questions et c’est elle qui y répond elle-même : la philosophie n’est la plupart du temps que tautologie. Par la suite, la pratique du sport en compétition me fit développer des conceptions que l’on pourrait assimiler à du darwinisme social. Je lisais Nietzsche pour chercher à les conforter, et je passais politiquement du platonisme au libéralisme, car je pensais, faussement mais sincèrement, que cette école de pensée défendait ces valeurs dont on peut dire qu’elles étaient presque fascisantes.

Et aujourd’hui, as-tu résolu ces problèmes philosophiques ?

Revel, Kant, Hume, Karl Popper, Hans Albert et Wittgenstein me conduisirent à penser que la plupart de nos questions philosophiques n’ont la plupart du temps pas d’existence objective, et ne sont la plupart du temps que des embarras de la raison avec elle-même qui ne correspondent la plupart du temps à rien de réel (la triple utilisation dans cette phrase de l’expression « la plupart » est là pour nuancer le propos). En bon popperien, je tente depuis de réfuter cette conception, mais jusqu’ici avec peu de succès. Je me complais ainsi dans un scepticisme presque radical qui me fit me défaire de tout ce que je pus penser jusqu’alors, et qui a pour sérieux inconvénient de me faire éprouver une méfiance incommensurable pour un certain type de philosophie qui se reconnaîtra d’elle-même.

C’est l’éternel paradoxe du philosophe sceptique ou du sceptique philosophe.

Il faut en effet étudier une chose avec la plus grande attention pour pouvoir établir s’il fallait l’étudier ou non. Ce n’est qu’après avoir observé une chose que l’on peut décider de ne plus la voir. Je pense toutefois que la philosophie est toujours possible si celle-ci est entendue dans un sens à la Foucault, c’est-à-dire à la croisée des sciences humaines – et même des sciences tout court.

Est-ce ce genre de philosophie que tu tentes de pratiquer sur Morbleu ! ?

Absolument. Morbleu ! se veut être un centre de production de connaissances d’un genre nouveau sur l’homme, le monde et la société. À chacun de juger si l’objectif est atteint.

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