Texte 2 sur 2 de Le procès d'Oullins

Où l’on découvre la tartuferie radicale de BHL, ainsi que de sérieuses raisons de s’inquiéter des experts mandatés par la justice.

  1. BHL, le témoin capital
  2. Les Experts à Lyon, ou Bouvard et Pécuchet au tribunal

JusticeDeuxième moment remarquable du procès de Jean-Marie Garcia, le meurtrier d’Oullins. Après BHL, expert en racisme et surtout en charlatanerie, observons maintenant la démonstration d’autres experts, ceux de la balistique.


La démonstration n’est-elle pas exemplaire ? Les experts sont formels. La conclusion ? L’homme a tiré à quatre reprises sur la victime. En sait-on plus ? Sur le crime en question, probablement pas ; sur le fonctionnement de la justice, très certainement.

Car voilà les experts sur lesquels s’appuient la justice. Comment ne pas les ranger, malheureusement, aux côtés des experts psychiatres que jadis critiquait Foucault ?

Bien sûr, cela grince, mais voyez aussi comme tout est bien huilé ! Bien sûr, on est là pour punir un crime, mais le président, avec son hermine et sa toque, que dit-il ? Il se penche vers le délinquant : « Qu’a été votre enfance ? Vos rapports avec votre maman ? Vos petites sœurs ? Votre première expérience sexuelle ? » Qu’est-ce que ces questions ont à faire avec le crime qu’il a commis ? Certes, cela a à voir avec la psychologie. On convoque des psychiatres qui tiennent des discours à couper bras et jambes, tant du point de vue psychiatrique que du point de vue judiciaire, et que tout le monde fait semblant de considérer comme des exposés techniques de haute compétence. C’est au terme de cette grande liturgie juridico-psychologique qu’enfin les jurés acceptent cette chose énorme : punir, avec le sentiment qu’ils ont accompli un acte de sécurité-salubrité sociale, qu’on va traiter le mal en envoyant un bonhomme en prison pour vingt ans. L’incroyable difficulté à punir se trouve dissoute dans la théâtralité. Cela ne fonctionne pas mal du tout.

(…)

Il suffit d’écouter ces « experts » qui viennent vous analyser un bonhomme. Ils disent ce que dirait n’importe qui dans la rue : « Vous savez, il a eu une enfance malheureuse. Il a un caractère difficile… » Bien sûr, tout cela est assaisonné de quelques termes techniques, qui ne devraient abuser personne. Or cela fonctionne. Pourquoi ? Parce que tout le monde a besoin d’un modulateur de peine : le procureur, l’avocat, le président du tribunal. Cela permet de faire fonctionner le code comme on veut, de se donner bonne conscience.

Michel Foucault, « L’angoisse de juger » in Dits et Ecrits II, p. 294-297.

C’est nous qui soulignons, pour montrer combien cette analyse s’applique hélas ! également fort bien à nos balisticiens. Ainsi, la fonction des experts judiciaires est-elle moins à chercher dans l’espace et le temps d’un simple procès particulier, mais plutôt dans le rôle qu’ils jouent dans le dispositif de la justice en général, voire dans la société elle-même. Dans un État de droit, dans une société fondée sur la rationalité, la fonction des experts est de servir de caution scientifique à l’acte de sanction, quand bien même le savoir mobilisé aurait toutes les apparences de la pseudo-science. Savoir et pouvoir sont intimement liés ; dans le dispositif judiciaire se cristallisent toutes leurs tensions.

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