Pamela Anderson

Le corps de la femme connaît une érotisation qu’on ne retrouve chez aucune autre espèce, avec trois caractéristiques uniques : le camouflage de l’ovulation, une attractivité constante et une réceptivité sexuelle quasi permanente. Par ailleurs, si la fesse est le propre de l’homme et la conséquence évidente de son passage à la marche bipède, elle est aussi un puissant signal d’excitation, qu’on retrouve également dans la poitrine féminine. Avec le redressement de la stature et le coït plus habituellement pratiqué face à face, il semble que l’évolution a sélectionné peu à peu des femmes ayant une poitrine développée, c’est-à-dire une rotondité ressemblant au signal excitateur des fesses. Le caractère globuleux de la poitrine féminine n’a qu’une fonction-si l’on excepte la fonction nutritive qui ne dure que quelques mois dans la vie d’une femme-, l’excitation des mâles pour entretenir l’activité érotique.

Pascal Picq, « Sexe : la compétition homme-singe », Le Point, 18 juin 2009, N°1918

Pour rendre compte de l’attrait qu’a habituellement le genre masculin pour les fortes poitrines, on connaissait l’explication psychanalytique : l’homme est attiré par les gros seins car il a le souvenir de cet Âge d’Or perdu de sa condition néonatale où il s’agrippait alors de toutes ses gencives et dents naissantes aux tétons de sa mère pour se nourrir. Pour l’inconscient, le sein maternel serait synonyme de réconfort, ce qui impliquerait que plus le sein est gros, plus gros est le réconfort, et que par conséquent, plus on recherche les gros seins. CQFD.

Comme la plupart – ne généralisons pas abusivement comme le font la plupart des psychanalystes  –  des explications psychanalytiques, cette théorie est réductrice, partiale, fragmentaire. Deleuze et Guattari diraient probablement de celle-ci qu’une fois de plus elle cherche à mépriser le vrai caractère du désir en ne faisant de lui qu’une simple résultante de « ce sale petit secret » de famille incestueux, tacite, qui agiterait l’homme telle une vulgaire marionnette.

De plus, l’explication psychanalytique, si on la développe entièrement, conduirait à un lesbianisme généralisé où tous les sexes seraient amateurs de gros seins. Il peut arriver en effet que certaines femmes soient nourries au sein, ce qui, d’après le principe expliqué ci-dessus, doit les mener logiquement dans leur vie sexuelle à la recherche d’abondantes poitrines. À ce problème, la psychanalyse a évidemment une de ces hypothèses ad hoc dont Popper a montré qu’elles sont une des caractéristiques évidentes de la pseudo-science : si une femme nourrie au sein durant la petite enfance ne vire pas au lesbianisme, c’est tout simplement parce qu’elle vit l’expérience du gros sein non pas en tant qu’utilisatrice mais en tant que fournisseuse [1].

L’hypothèse évolutionniste proposée ici par Pascal Picq , bien qu’incomplète on le verra, est plus satisfaisante. Notamment, elle a l’avantage d’éviter l’écueil du lesbianisme : on voit mal en effet comment un penchant pour une telle union sexuelle, qui ne pourra être que stérile compte tenu des données actuelles du problème, pourrait être un avantage adaptatif décisif.

Tout d’abord, c’était les fesses de la femelle qui excitaient le mâle lorsque l’espèce était encore quadrupède : certainement était-ce une des choses que l’on voyait le mieux lorsque nous marchions encore à quatre pattes, et c’est ce qui le décidait à en rechercher de bien rondes. Puis, il prit à ce qui n’était pas encore l’homme [2] de se relever, de se tenir uniquement sur deux pattes. Conséquence kamasutrèsque inévitable : il adopta aussitôt le plus commode missionnaire comme position favorite au détriment de la levrette alors plusieurs fois séculaire. Les seins devinrent par suite très vite plus visibles, et partant, plus excitants et populaires. CQFD.

La psychologie évolutionniste possède au moins autant de travers que la psychanalyse. Elle partage notamment cette passion pour les explications invérifiables, et surtout irréfutables. Ceci mis à part, ce qui avant toute autre chose est ici fâcheux avec l’hypothèse évolutionniste est qu’elle nous plonge dans une régression à l’infini. Certes, avant le désir pour les gros seins, il y avait le désir pour les grosses fesses. Mais avant les grosses fesses, qu’y avait-il ? Et après les gros seins, qu’y aura-t-il ? Nous restons pour ainsi dire sur notre faim. Peut-être est-ce parce que le désir est, presque par définition, irréductible à toute rationalisation.

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[1] L’hypothèse psychanalytique connait bien d’autres difficultés. Notamment, qu’advient-il des hommes nourris au biberon durant la petite enfance qui apprécient pourtant les gros seins ? Le psychanalyste se contentera de répondre qu’ils auront de fortes propensions à devenir alcoolique, à boire leur bière à la bouteille par petites sussions – en « sirotant » – puisque l’activité leur est une réminiscence de l’objet passé. De même, la question des lesbiennes nourries au biberon est laissée de côté.

[2] Homme qui est, faut-il le rappeler, une invention tardive du XIXe siècle (Foucault).

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