Jacques MesrineJacques Mesrine [mesrin] a depuis peu laissé la place dans les médias à Jacques Mesrine [merin]. Tout le monde l’appelait [mesrin] jusqu’à il y a quelques semaines. Mais à l’occasion de la promotion inespérée et posthume du film L’instinct de mort, la vérité fut faite sur la prononciation authentique de son nom, qui n’est autre que [merin] (sans le [s], donc). C’est le « héros » lui-même qui, paraît-il, tenait à cette orthodoxie phonique.

Que l’orthodoxie phonique de la ville allemande « Cologne » soit « Köln » ne nous empêche pas de persister à la nommer « Cologne », et jamais nous ne nous plierons aux vœux de ceux qui souhaitent qu’on l’appelle « Köln ». En revanche, on cède fort bien à « l’ennemi public n°1 » et à ses représentants qui nous somment de l’appeler [merin] et plus [mesrin]. Révélateur d’une société aspirant à réhabiliter cet homme cristallisant l’hostilité contre notre monde ? Énième symptôme de la haine de soi ?

Il est à noter que les héritiers de [merin] toucheront 304 898 EUR de droits d’auteurs, plus 6% des recettes nettes du producteur (source Le Point, « Tout sur l’argent de Mesrine ! »). Qui a dit que le crime ne paie pas ?

Foucault en son temps avait raillé tant la sortie du livre que les réactions à son sujet (voir « Le poster de l’ennemi public n°1 », 1977 in Dits et écrits, II, pp. 253-256). Il soupçonnait ironiquement l’éditeur d’avoir récrit l’œuvre tant celle-ci donnait de [merin] un portrait conforme à la représentation collective du grand bandit véhiculé par la culture de masse.

Que ce manuscrit ait pu sortir subrepticement de la Santé avait choqué l’opinion. Foucault remarquait au contraire que pour une fois, ce truand avait été on ne peut plus complaisant avec le système : il avait livré des aveux signés sans même que l’on ait à le presser. Le rêve de tout policier, juge et procureur.

Foucault, en bon subversif, reconnaissait à ce tapage le mérite d’ôter le voile du silence de la justice et de jeter sur la place publique la question du « secret légitime » de la justice.

Dans son ouvrage Qu’Allah bénisse la France (un document sociologique pour comprendre le problème des banlieues dont on ne soulignera jamais assez l’importance), Abd Al Malik parlait de [merin] comme d’un paradigme qui fut un modèle pour les apprentis-voyous de toutes les cités. Celui-ci, malgré son telos criminel, était encore caractérisé par un relatif sens du devoir et du respect. Puis, à ce paradigme s’est substitué celui de Tony Montana. C’est à partir de ce moment que tout est allé encore plus mal, ce dernier étant caractérisé par l’absence de tout scrupule et une apologie encore plus conséquente de la brutalité sans limite. Et surtout, ce trait encore absent chez [merin] : la drogue.

Peut-être est-ce qui doit nous rassurer dans cette soudaine célébrité de [merin] ? Ce pourrait peut-être, en effet, être pire.

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