Y a-t-il une islamophobie légitime ?
« L’antisémitisme, l’islamophobie seront condamnés avec la même sévérité »
Nicolas Sarkozy, Président de la République, « Sarkozy affiche une « tolérance zéro » contre l’islamophobie et l’antisémitisme », Le Nouvel Observateur, mercredi 14 janvier 2009
À peine le Président avait-il affiché son intention de fermeté à l’égard des actes islamophobes que certaines associations de défense de la laïcité formées d’éminents libres penseurs s’offusquèrent de cette décision.
« Comment donc ? Amalgamer antisémitisme et islamophobie ? Mais ces deux choses ne sont pas de même nature ! L’antisémitisme est une haine d’un peuple qui a tant souffert inutilement, les Juifs ; l’islamophobie est quant à elle le dégoût d’une religion, d’un concept d’une société totalitaire et archaïque. L’antisémitisme est forcément nauséabond, politique et condamnable ; l’islamophobie se place sur le plan de la juste critique des idées, elle est légitime, nécessaire, salutaire. On doit châtier les antisémites qui ne font que raviver des pulsions destructrices millénaires ; on doit applaudir les islamophobes qui poursuivent le combat des Lumières contre cette nouvelle forme d’obscurantisme nihiliste si puissante. »
Il est vrai que l’on ne peut absolument pas considérer comme identique, d’un coté, la haine du Juif, qui se fonde sur le simple fait qu’il soit né Juif, et d’un autre coté, la critique de l’islam. On nait Juif, on ne le devient pas. Haïr le Juif est foncièrement un racisme, et cela doit être condamné comme tout racisme. En revanche, l’islam – et a fortiori l’islamisme – est une théorie, un ensemble d’énoncés, de thèses et de propositions sur le monde prétendant à l’objectivité, et en cette qualité, il peut être critiqué, voire haï, tout comme Voltaire sommait compulsivement d’Ecr…l’inf… Le Juif fait partie du Monde 1 (celui des entités physiques) ; l’islam du Monde 3 (celui des entités intellectuelles, cf. Karl Popper). On peut tuer en toute légitimité dans ce dernier, mais jamais dans le premier.
Mais là où l’on s’égare, c’est dans la dénomination. On ne peut en effet contester que « islamophobie » soit un terme fort mal choisi pour désigner « la critique légitime de l’islam ». Car le suffixe « phobie » renvoie à tout, sauf à une activité intellectuelle constructive, contrairement à ce que revendiquent pourtant ses apôtres. Il y a fort à parier que les premiers à avoir utilisé ce terme « d’islamophobie » en lui forçant ce sens lumineux de « critique » en se revendiquant de l’esprit du XVIIIe siècle l’ont fait avant tout par provocation : pensons à Claude Imbert, le directeur de l’hebdomadaire Le Point, qui naguère fit scandale en se revendiquant islamophobe, persistant et signant plus tard cet affront dans ses colonnes.
Le terme s’apparente étymologiquement au terme « xénophobie », et autres dérivés du même suffixe. Or, personne ne prétendrait s’orner du titre de « xénophobe » pour l’activité consistant à « critiquer les autres cultures » ; sinon, il pourrait y avoir dans nos Universités des Facultés de Xénophobie qui décerneraient des diplômes aux experts dans la connaissance des autres cultures. De même, entend-on par « homophobie » la « libre critique des mœurs gays », ou bien la passion de casser du pédé ? Et l’« anglophobie », est-elle la « critique raisonnée des valeurs anglo-saxonnes », ou bien l’exécration de ce peuple vivant outre-Manche ?
Le suffixe grec phobos est connoté, très connoté, trop connoté. Ainsi, ou bien il faut désormais entendre par celui-ci, non plus « effroi », mais « critique légitime et raisonnée », et Kant aurait pu écrire sa Phobie de la raison pure ; ou bien il faut abandonner le terme « islamophobe » pour ce sens et le réserver à celui consistant dans la haine du musulman, tout comme le terme « judéophobie » l’est pour la haine du juif.
Pour approfondir, ce produit disponible chez un libraire de proximité, éthique, responsable, durable et équitable : |
22 janvier 2009 à 18:15 A ton avis?[Citer] [Répondre]
Notre illustre Président entendait bien ici par islamophobie le racisme anti-musulman.
Le vrai danger est plutôt du côté de ceux qui se servent de la critique raisonnée de l’Islam pour insidueusement répandre un discours islamophobe.
La rengaine est bien connue: l’Islam est une religieux archaique, barabare donc les musulmans ne sont pas assimilables/intégrables (rayer la mention inutile) à notre doux pays civilisé donc les français musulmans doivent être exclus, rejetés, renvoyés…
Cet argument est souvent utilisé pour écarter les éléments sociaux et économiques qui expliquent les difficultés d’intégration (« les émeutes en banlieue ont un caractère ethno-religieux » a dit qui vous savez)
« le mouton dans la baignoire » de Sarkozy: examen critique de l’Islam, exégèse du coran ou stigmatisation des musulmans pour rafler les voix du Front National?
Le discours critique sur l’Islam caches malheureusement souvent de nombreuses arrières-pensées idéologiques…
22 janvier 2009 à 21:15 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Le sujet est épineux. Je défendrai toujours pour ma part l’idée qu’il est possible de critiquer tout discours énonçant des hypothèses à propos du monde, que ce soit une théorie scientifique ou bien une religion. Par conséquent, la critique de l’islam est fondée et légitime, voire nécessaire et salutaire.
Ce que je contestais, en revanche, c’était de désigner cette critique sous le terme d’islamophobie qui est un terme qui en dit long sur ceux qui veulent l’adopter.
Mais à plus y réfléchir, qu’est-ce que ce terme islamophobie enseigne précisément ?
Comme vous le soulignez, il est sûr que certains cachent, ou plutôt affichent explicitement leur haine du musulman, de l’homme venu de cette culture, qu’on abomine souvent simplement parce qu’elle est autre. Pour ceux-là, la critique n’est en effet pas une fin en soi, ce qui serait alors l’objet d’une critique scientifique. Elle est simplement un moyen pour une autre fin, qui est de discréditer les musulmans, une arme comme une autre à employer dans une guerre. On n’hésitera pas dès lors à utiliser la critique de l’islam comme une boîte à outils, en omettant hélas! de retourner la critique contre ses propres préjugés civilisationnels, ce qui accouche d’un dogmatisme des plus assommants et dangereux.
Cependant, je pense aussi que d’autres font de ce terme d’islamophobie un tout autre usage, ce que je n’ai pas noté dans mon texte car cette idée germa lors d’une discussion suivant ce texte avec un ami, qui donc est partiellement responsable de ce qui va suivre.
Utiliser ce terme d’islamophobie peut ainsi peut-être être aussi pour certains laïcs une façon de signifier leur engagement dans un combat dont l’adversaire n’est cette fois plus l’islam en particulier (comme les partisans du terme auxquels vous faîtes allusion), mais l’obscurantisme religieux en général. Dans ce contexte, « islamophobie » ne vient que s’ajouter au vocabulaire pamphlétaire antireligieux dont l’arsenal œcuménique est déjà richement composé des Ecr…l’Inf, scatholiques, etc.
Vu sous cette angle, le terme est là pour tester le degré d’ouverture d’une religion. On peut aujourd’hui bouffer du curé à l’envie mais il n’est pas sûr qu’on puisse en faire de même avec les mollahs, oulémas, cheiks, muftis et peut-être pas non plus avec les rabbins.
Alors, comment distinguer entre ceux qui utiliseront le terme avec l’intention xénophobe et ceux qui l’utiliseront avec l’intention « scientifique » ? Cela nous entraînerait dans une discussion méta-éthique qui excède malheureusement l’espace de ce commentaire mais qui sera peut-être poursuivie dans un autre texte.
5 février 2009 à
[…] a comme fondement la critique. Pourquoi alors ne pas nommer cette critique « anticapitalisme », comme certaines Lumières intitulent « islamophobie » la critique de l’islam ? L’anticapitalisme serait alors pleinement […]