Du combat pour l’émancipation féminine en grammaire et dans les clips
Richelieu, créateur d’instituts paresseux et rétrogrades.
Contexte : depuis quelques temps, Oscar Gnouros me fait lire de drôles d’articles, comme celui-là ou celui-ci. Des articles où la considération intéressante côtoie le dogmatisme le plus furibard. Nul doute que le créateur et auteur principal de Morbleu s’amuse à réfléchir à embêter son principal collaborateur. Savez-vous qu’il écrit des trucs du genre « Cher-e-s tout-e-s » ? Voilà pourquoi je m’autorise à publier ici cette petite chose, pour me calmer un peu. La guerre du neutre n’aura pas lieu.
Que regarder les clips s’avère plus efficace qu’on ne le croit !
Un girls band « Give it to me, I worth it ». J’étais trop occupé à contempler les filles, jusqu’à voir débarquer le rappeur, exhibant d’affreux chicots et filmé de trois quarts, nous révélant combien il est animal et ghetto, pauvre et ambitieux (ces deux derniers adjectifs sont sans doute déjà trop doux et très faux). Il portait une casquette, et quand j’étais petit c’était un bandana rouge. Une demi-seconde lui suffit pour me sortir de ma léthargie de désir, enfin semi-léthargie, car naturellement je comparais les filles, me disant qu’il doit y avoir des styles pour séduire le populo américain, et notamment celui de la petite latino américaine qui continue de m’échapper. NRJ Hits annonçait une soirée « Teen Pop » en lien avec ce clip, et je doutais sérieusement que ces jeunes femmes furent encore des teens, et espère encore qu’elles n’en sont pas. Et là, plus fort que des jeunes femmes servies comme modèles à des ados, sommet dégoûtant d’une décadence qui jusque-là m’agréait plutôt : le rappeur ! que précédait un plan pseudo-subliminal « feminism is sexy ».
Putain ! Les filles, le féminisme, le rappeur. C’est comme les théodicées : la toute-puissance, la bonté, le mal sur Terre : cherchez l’erreur. Si Leibniz pensait l’histoire, un mal pour un bien plus grand, et sans doute la survie de l’âme, que faire de ce clip ? C’est simple : regarder les décors. Chacune des cinq filles apparaissait dans un cadre personnalisé (plutôt classique dans ce genre de groupes, mon chouchou étant le petit film où chacun des One Direction s’affaire à séduire la caméra en POV, à achque fois selon un type différent de virilité « urbaine », avant de se révéler être un Don Juan un brin mytho, c’est rigolo – si mon vrai préféré fut Lady Marmelade). Ma favorite était une brune sur décor rose, les cheveux tirées en arrière, et peut-être armée d’une cravache. On avait planté un bel homme métro-sexué dans le décor, comme en cire et mis sous cellophane. La latino-américaine dansait sur un fond sombre, devant un bureau et un type assis au bureau. C’était son bureau au type, mais vu la danse de la dame, c’était devenu son bureau à elle, j’veux dire ! Il y avait deux Noires. Une faisait la panthère sur un piano, et l’autre affichait un rouge à lèvres très très rouge. Enfin une brune se tenait dans… une voiture. Je divaguais… C’était au réveil aussi. Apparut alors le rappeur, dans un couloir d’immeuble de bureau, qui remit LA philosophie la tête à l’endroit, du moins dans ma tête à moi. Les mecs des décors plaisent certes aux filles (qu’en est-il du rappeur?), mais les filles du band plaisent aux hommes. C’était à peu près tout sauf du féminisme.
Toutes ces lignes pour résumer une seconde d’esprit. Sans doute ne le valent-elles pas. Mais la vérité s’imposa avec force : la domination du masculin n’est pas dans la prédominance du neutre.

Jacqueline de Romilly. Si j’avais autant de culture que de paresse, je connaîtrais son avis et m’y plierais.
La grammaire n’est pas l’ennemi des femmes du monde, ni des trans ou des hommes. Mais parions ! Parions que la lutte contre la prédominance grammaticale du masculin produira ses effets ailleurs, selon les règles obscures mais évidentes d’un grand karma du monde… pardon, de la lutte archéo-généalogique contre la Domination, que vous toucheriez au cœur, tel le Hobbit jetant l’anneau dans le volcan. Oui, ces inepties militantes vont directement sauver les enfants ! Et mes quelques lignes ne font que soulager mon esprit de vos bavardages, dont je suis très persuadé qu’il nuisent à l’alphabétisation, et à quelques possibilités d’émancipation.
Chers amis, mes ami-e-s, préoccupez-vous plutôt d’alphabétisation ou d’orientation. Au mieux vos leçons de grammaire sont celles de professeurs préparant toute une classe d’âge aux mentions « Très bien », en oubliant d’apprendre d’abord à produire du passable. Au pire, on pourrait vous accuser d’égoïsme, d’incarner à votre tour la volonté de puissance, de prendre plaisir à dominer dans le monde bavard qu’est le vôtre – j’oserais dire un monde sans œuvre véritable, où Baudelaire est un macho, Gary un vieux beau, et Lino un type gentiment ringard ; un monde bien terne dont l’esthétique mérite amplement d’être révolutionnée à chaque humeur du temps. L’universitaire lutte pour avoir sa place dans le champ universitaire, avec des moustaches et l’histoire du neutre. Mais les pauvres… c’est au moins aussi chiant que les gosses.
…
J’aime bien créer des méchants ; voilà quelqu-e-s militant-e-s devenu-e-s complice-s et servant-e-s de la Domination. M’enfin, il me fallait bien exorciser ce rappeur.
6 juillet 2015 à 18:27 Noblejoué[Citer] [Répondre]
@ Luccio
Certaines personnes voudraient qu’on ne fasse pas mention du sexe dans l’état civil pour aider femmes, transexuels et personnes intersexuées. Un romancier a même écrit une nouvelle là-dessus que je n’ai pas lu ni a priori l’intention de lire non parce que ce serait forcément ininterressant mais à cause d’autres priorités. Toutes ces personnes croient que cela croient donc que cette réforme aiderait et je ne saurais dire si cela est aussi superficiel ou non que les questions de grammaire.
Qu’en pensez-vous ?
7 juillet 2015 à 19:36 Luccio[Citer] [Répondre]
Laissez-moi descendre de ma montagne, et livrer mon avis forcément transcendant.
L’état civil sans le sexe. Mais d’où viennent les bébés ? M’enfin… L’idée d’habiller les numéro de sécu d’un possible « 3 » (pour « autre ») est intéressante ; même si ça doit compliquer les campagnes contre les cancers du sein ou de la prostate. Affaire technique, mais projet intéressant.
[idem, écrire « autrice » semble intéressant, car je connais »agricultrice » – mais « auteure », pourtant répandu, me cirsconpecte].
Après existe le problème du révélateur, ou de l’écho. Jusqu’à peu, cédant au sens commun progressiste de mon milieu, je pensais que les trans avaient naturellement une identité d’un autre genre, que la société leur permettait enfin de révéler, ou de construire selon les circonstances (mélange classique entre déterminisme et liberté). La lutte consiste alors à se méfier des mauvaises étiquettes, puis à se méfier des étiquettes. Et voilà l’état civil out ; bien sûr on tombe dans une version extrême de l’écho.
Dès lors, sacrifier le sexe dans l’état civil me paraît superflu, voire un peu bourrin. Je trouve que ça fait peu pour la pensée, trop pour la lutte et la violence (certes la violence est le nom qu’on donne à la force qui nous domine, mais quand même !).
Tout ça me fait penser à ces braves gens (Condescendance. J’écris ton nom.) qui voulaient réécrire la Marseillaise, jugée trop clivante. Une bonne intention. Pourtant ils n’avaient pas idée que le « sang impur » puisse renvoyer aux chanteurs eux-mêmes, et donc au sacrifice. Imaginons qu’ils se soient mis à traiter de fascistes ceux qui s’attachent aux paroles, ou les paroles, au prétexte que ceux qui les interprètent mal sont xénophobes ou malheureux…
En outre, en guise d’apéritif, opposée à l’écho, la concrétisation ; idée qui revient à moi via L’âme réécrite, de Ian Hacking, à propos des troubles de la personnalité multiple, ouvrage que j’ai pas fini (mais dont j’ai lu les pages 122 et suivantes, à propos de l’approche du Docteur Margo Rivera). Ainsi une étiquette sur le mal-être peut concrétiser le mal-être. Non pas seulement l’enrober d’une couche sociale de discrédit moral dont il faut libérer les individus, mais lui fournir une forme véritable.
Toutefois comparaison n’est pas raison, et je m’en veux de comparer les trans aux troubles de la personnalité multiple (même si doivent exister des Multiples se déclarant en pleine santé et de possibles référents de santé, du moins pour certains de leurs Alters). Ainsi risqué-je d’être fautif, selon la logique et selon la morale, lorsque j’essaye de penser que la société nous offre aussi une occasion de former notre être. Il ne s’agit pas d’affirmer bizzarerie et mauvaise foi. Je touche à mes limites et, à ce niveau, n’ai pas du tout envie de me défaire de mon sens commun. Bref, bien des combats de l’écho comptent, et sont légitimes. Bien des étiquettes sont de la merde.
Mais sera-t-on vraiment heureux lorsqu’on aura fait sauter l’état civil ? Le mal-être personnel est-il fait pour disparaître des cartes d’identité ?
Certaines affaires liées au genre pourraient aussi relever d’une forme de mal-être spécifiquement possible dans nos sociétés contemporaines. Par exemple ceux obsédés d’état civil, critiquant leur état de dominés, sans imaginer qu’ils pourraient aussi dominer (comme d’autres défendent becs et ongles les Noirs et les indigènes, gaulois ou « de la république » — Oscar connaît un super blog qui cumule un peu). Peut-être habillent-ils leur mal-être. Peut-être ne sont-ils pas assez écoutés.
Voilà, j’ai tenté de répondre à votre question. Certes j’ai tendance à m’inventer des adversaires de paille [help ! l’expression exacte m’échappe], ici l’extrémisme-écho, qui considérerait tout mal-être comme relevant de la vie sociale, réduite in fine aux discours (et pratiques) que les autres tiennent sur nous, et oublieux de la façon dont nous les intériorisons (comment et pourquoi).
M’enfin, je ne m’exécute qu’avec honte, et j’ose croire que quelques penseurs proposent des concepts plus efficaces (par exemple, un jour, je lirai Sartre, ou Butler). Mais, cher Noblejoué, j’ai trop de plaisir à répondre à nos fidèles lecteurs.
8 juillet 2015 à 18:33 Noblejoué[Citer] [Répondre]
@ Luccio
Interessant, votre discours écho.
Je ne sais pas si c’est encore vrai, mais en France et peut-être ailleurs, j’ai entendu dire que pour changer de sexe, il faut se sentir, croire, ressentir, bref, de l’autre sexe.
Mais pourquoi ? Si quelqu’un aime quelqu’un qui l’aimerait sauf qu’il n’est pas du sexe que ce sexuel désire et que soi-même, on soit près à aller jusqu’à changer de sexe pour l’autre, pourquoi pas ?
Et là, ça concerne a priori seulement les femmes mais pourquoi des femmes plus interressées par leur avenir professionnel, le fait d’être moins susceptibles d’aggression et autres choses semblabes, voulaient devenir des hommes ?
Après tout l’identité je me sens de l’autre sexe est-elle plus fondamental que je ne me sens pas de la moitié perdante de la population ? En somme, pourquoi l’instinct sexuel est-il plus pris au sérieux que l’instinct de domination ? A propos, comment se fait-il qu’à notre époque certains contestent encore l’existence des instincts ?
20 juillet 2015 à 12:57 Luccio[Citer] [Répondre]
Cela fait quelques jours que votre commentaire me trotte dans la tête, mais un peu seul, sans une réponse charmante et opportune pour lui tenir compagnie. Pourtant je m’en voudrais de le laisser désœuvré, et me lance alors dans quelques remarques désordonnées.
Tout d’abord, dans le monde de Ruwen Ogien, il n’y aurait aucun problème : entre adultes consentants, tout est possible, il ne faut pas céder à la « panique morale ». A la limite, une objection est possible, politique, à propos de la place de la société : si la société décide de ne pas donner son accord, alors même que son concours est indispensable, et bien tant pis pour les individus concernés. Affaire neutre, la morale revenant pourtant par la fenêtre des débats. Et, peut-être, une politique sociale (à l’oeuvre, même si lentement, ce qui semble le moindre mal des pays pas encore totalitaires) n’est-elle pas préférable à une politique de changement sexe ?
Mais le monde de Ruwen Ogien, s’il est assez classe, puisqu’on peut y lire L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et autres questions de philosophie morale expérimentale, manque un peu de réalité, du moins dans la caricature que j’en fais dans ma tête. De même qu’il ne semble pas exister de prostituée qui pratique son art uniquement pour s’éclater ou pour l’amour du travail bien fait, la relation interindividuelle en général, est loin d’être une affaire socialement simple (classique objection marxiste au libéralisme).
[De même pour la relation de soi à soi, ou de soi à la société. Alors le groupe et un regard critique pourrait bien avoir un point de vue intéressant (l’entendement général dépassant la somme des entendements particuliers)].
Dès lors les choix d’une relation entre individu, comme le couple, sont toujours étonnants. Qui choisit où habiter, combien d’enfant avoir ou si chacun doit travailler ? Accepteriez-vous de devenir prof ou blogueur uniquement parce que Untel ou Unetelle en fait une condition sine qua none de toute relation à venir ?
Mais selon la situation idéale ogiennesque que nous accepterons ici, mais dont la société réelle pourrait douter, un individu souverain A veut séduire B, au prix d’un changement de sexe. Dès lors, pourquoi ne pas le faire ? Et ceci d’autant plus qu’il ne s’agit que d’un choix, contre ce donné qu’est notre corps.
Remarques diverses (et redondant votre message) :
1) accepteriez-vous de changer de caractère, ou de goût ? Moi difficilement.
2)les transgenres changent de sexe par conformité avec leur caractère (social ou inné, peu importe ici), et non par opportunisme (offre d’emploi ou passion amoureuse). Ainsi, dans notre situation, on pourrait se demander s’il n’y a pas illusion, et si l’objet du désir B ne ferait que révéler la volonté de changer de sexe. Dès lors on reste dans un schéma classique, avec une part d’inconscient toujours forte dans bien des désirs existentiels.
1-bis) Mettons que ce soit bien de l’opportunisme. Le changement de sexe pourrait changer le caractère.
3) Influencer le goût de l’autre ne serait-il pas plus économique ?
4) la mer est pleine de poissons, y’en a-t-il un qui vaille vraiment tant d’efforts et de changements, car tout ceci est fastidieux ?
Enfin,
à propos des instincts : je n’en sais rien.
L’instinct comme principe analogue à l’intelligence, c’est-à-dire au principe d’une action tournée vers un objet extérieur selon un schéma qui pourrait être acquis par un individu mais qui ne l’a pas été (les abeilles n’ont pas lu Von Frisch), est en effet passé de mode. Les éthologues lui préfère cet outil qu’est le « milieu », le monde de l’animal, qu’on peut étudier pour rendre compte des comportements des animaux. En apparence : Bergson Vs Uexküll, mais les deux concepts ne me semblent pas incompatibles (faut que je lise sérieusement Lorenz).
Mais vous pouvez remarquer que les mondes humains varient, et que l’emploi du concept d’instinct est limité. Alors on cause empirisme (qui complète un a priori biologique, que certain appellent « forme »). Cependant il semble que W. James cause de gammes d’instincts, et Freud de pulsion fondamental. Pensons aussi au conatus de Spinoza, susceptible de changer d’objet, de façonner de nouveaux mondes.
Bref, l’instinct n’a pas le vent en poupe, car l’abus de ce concept paralyse trop facilement la description des choix humains, voire ces choix eux-mêmes. Même s’il doit bien traîner dans les parages.
Cela dit, et sans possibilité réelle de me relire, je vous quitte pour passer à table.
23 juillet 2015 à 15:24 Luccio[Citer] [Répondre]
Je bavarde, je bavarde, et passe sans doute à côté d’un détail de la question initiale. Si l’on est prêt à changer de sexe pour faire plaisir à un « sexuel », il me semble qu’il faudra aussi se sexualiser, sinon l’affaire de comptera que peu.
17 septembre 2015 à 21:11 Noblejoué[Citer] [Répondre]
@ Luccio
En fait, j’avais écrit « sexuel » comme j’aurais écris peut-être territorial si on avait parlé territoire. Il aurait été un peu lourd de dire, si un homme veut devenir femme pour un homme qu’il aime, si un homme veut devenir femme pour un homme, ect, ect, il y aurait de l’énumération quasiment notarial et oubli de tel ou tel cas, à mon grand regret pour les personnes concernées.
Mais je pense aussi toujours aux asexuels ! Parlons-en. Si un asexuel aime un sexuel, ne peut-il pas vouloir changer de sexe pour lui ? Et d’autant plus, sans doute, que sans activité ni désir de la sorte, il est sans doute moins amené à s’identifier à son sexe ?
Quand vous dites que l’asexuel doit, en priorité, devenir sexuel, je ne vous suis pas. Pourquoi ? L’amour ne peut-il être romantique et non sexuel ? Mais comme les amoureux sont prêts, en tout cas dans les histoires, à persécuter les dragons, devenir riches, supporter d’insupportables belles familles, se convertir à une religion, je ne vois pas pourquoi un asexuel ne pourrait se dire que, pour la personne aimée, il faut qu’il devienne sexuel, ou du moins, en prendre l’apparence.
Un asexuel doit-il devenir sexuel ? Exixte-t-il une sorte de devoir de sexualité dans notre société et si oui pourquoi ?
Autre question, l’opportuniste – je ne sais trop en quel sens vous le dites, pour celui qui veut parvenir comme on le dit souvent ou plus généralement celui qui sans sent pas d’un sexe différent du sien mais veut en changer – vous dites que changer de sexe peut changer le caractère.
Certes. Mais toutes nos expériences n’en font-elles pas autant ? Dans ce cas, pourquoi interdire à quelqu’un de changer de sexe parce qu’il ne se sent pas du sexe convoité ?
Enfin vous dites que changer l’autre est plus économique. Ca dépend. Certains ne veulent pas changer.
D’autre part, si c’est par amour qu’on veut l’autre, il me semble qu’on aime l’autre tel qu’il est, du moins en grande partie, et qu’on peut craindre, en changeant un élément de sa personnalité, d’en toucher d’autres auxquels on tient.
Rassurez-vous, je n’envisage pas de changer de sexe pour quelqu’un ou de pousser un autre à le faire. Changer pour l’autre ! Comme il faut aimer ! Loin que je trouve cela mal, je trouve cela beau, si toutefois l’autre ne vous fait pas de chantage, si cela part de soi, car je ne trouve pas beau de se soumettre encore que chacun ses goûts, que celui qui se veut soumis trouve son dominant. D’autre part, je ne me vois pas exiger d’un autre de changer de peau.
Mais me passionne l’idée de liberté. Il me parait on ne peut plus choquant d’empêcher quelqu’un de faire ce qu’il veut tant qu’il ne nuit pas à la liberté d’autrui.
20 septembre 2015 à 20:05 Luccio[Citer] [Répondre]
Je crois sincèrement, qu’à vous répondre, je risquerais de me répéter. Mais je vous remercie de vos propos, contenu et présence. Et plus précisément, en guise de cadeau une petite anecdote.
Je crois qu’il existe un devoir de sexualité dans toute société, puisqu’il faut faire des enfants. Et soyons honnête, il s’agit aussi d’une aspiration, à la sexualité comme à la maternité. Et puis chez nous, sexualité et paternité (ou maternité ; je veux m’éviter « parentalité ») se sont très visiblement découplées. Certes le découplement des pratiques n’a pas attendu 68, et je suis prêt à parier que le Moyen-âge était au moins aussi polisson que spirituel. Mais 68 participa à faciliter le découplement dans les pratiques, et à la rendre radical dans les discours. Dès lors, il existe, dans certains milieux de jouisseurs, un devoir social à la sexualité : non plus au dépucelage ou à l’enfant, mais à la sexualité épanouie. Du bon devoir social bien méchant, un truc qu’on inflige aux autres dans la mesure même où on en souffre. Bref, Houellebecq et d’autres ont dû le dire avant moi, et aussi avant 68.
Or, un soir, au cours de ce qu’il est convenu d’appeler une soirée (et c’était un anniversaire), des fort-à-jouir me causèrent d’une assexuelle. La chose leur paraissait bizarre, et avouons-le, à moi aussi. J’ai toujours eu un peu de mal à y croire, moi qui fut moine, ou tout comme, du moins avant. Mais passons, et revenons à mes interlocuteurs d’alors, qui m’évoquèrent de plus près le cas du monstre.
Pour résumer, cette dame se vantait de ses complexes à table, comme bien des gens peu sûrs d’eux-mêmes. Le premier concernait ses errements universitaires, que j’ai oubliés et ne publierais pas ici, le second était sa sexualité. Elle se déclarait volontiers asexuelle. Cela choquait mes interlocuteurs.
C’est alors que mon antique pudeur et moi-même prîmes la parole : « Moi, ces gens qui parlent de leur sexualité à table… ». Malheureusement je suis au moins aussi bien élevé que polisson, et personne ne remarqua qu’il s’agissait d’une attaque en règle contre mes interlocuteurs. Ou du moins personne ne le releva, et, l’un dans l’autre, nous avons tous passé une bonne soirée.
20 septembre 2015 à 22:04 Noblejoué[Citer] [Répondre]
@ Luccio
Excellente private joke dans une excellente histoire. Si vous le permettez, je m’en servirai au besoin.
Vous dites qu’il y a dans toute société une sorte de devoir de sexe pour engendrer (on pourrait aussi dire passer alliance). Mais je me permet d’en douter dans les sociétés chrétiennes où on a tant valorisé la chasteté et sali le sexe. Ce qui existait, me semble-t-il, c’était le devoir conjugal pour les fidèles trop nuls pour être chastes. Mais qui, grand dieu qui, a le devoir d’être nul ?
D’où je crois réaction en proclamant ses avantures pour montrer qu’on fait ce qu’on veut… Le problème : les asexuels ne veulent rien. Certes, en parler fait qui s’étale mais imaginez que votre « monstre » se soit tu et que quelqu’un lui ai conté fleureute et qu’elle ait dit oui pour passer à la casserole sans désir ni plaisir…. Ou qu’elle ait dit oui puis non, on aurait dit qu’elle se donne pour se refuser, non ? Elle aurait pu dire être homo mais est-ce une promtion ? Et après les hommes, elle aurait peut-être eu les dames comme facheux, de plus, dans notre société, on demande aux gens de blablater sur leur cas.
Au fond, je crois que le mieux dans son cas, si on l’interroge, est de prendre un air mystérieux en disant que ce qu’elle fait est indicible : ce qui est vrai au sens strict car on ne peut dire le néant.
Pour parler d’autre chose, je me demande s’il y a des gens sans instinct territorial ou de domination.
A priori, ça devrait puisqu’il y a bien des asexuels. Mais je n’en ai jamais entendu parler.
Et à votre connaissance, ou si vous ne savez pas, à votre avis ?
Se cachent-ils parce qu’on parle moins de cela comme autrefois les asexuels se fondaient dans le paysage ? Craignent-ils d’être piétinés par les autres s’ils savaient que sans instinct ils n’ont que leur raison pour leur dicter de conserver ce qui est à eux, qu’on leur prenne leur place, leur affaire, tout ?
4 novembre 2015 à 18:22 Gnouros[Citer] [Répondre]
Au fait, le langage féministe, ça s’appelle le langage épicène. La page Wiki est pas mal, on y apprend notamment qu’il ne faut pas mettre les femmes entre parenthèses : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Langage_non_sexiste
5 novembre 2015 à 22:13 Noblejoué[Citer] [Répondre]
@ Gnouros
Les féministes n’ont pas l’air de comprendre que la mise entre parenthèses des femmes est pire dans la vie que dans la typographie.
Or il est grave de prendre le signe pour la chose. Il parait, ainsi, que les pédagogues responsables du fait qu’on n’apprenne plus alphabétiquement mais par méthode globale à lire l’ont fait…
Tenez-vous bien, parce que voulant à l’origine délivrer les ouvriers de l’oppression du travail à la chaine mais sans effet, ils ont projetté cette obsession sur les élèves, dont l’annonement leur rappelait les gestes répétitifs des ouvriers. Total : les élèves ont plus de mal à lire maintenant, grâce à leur intervention, qu’avant. Et on continue, malgré des études scientifiques montrant qu’il vaut mieux apprendre selon la méthode syllabique.
Folie… Cerise sur le gâteau, les enfants de milieu défavorisés souffre plus des pédagogues projettant leurs phantasmes que les héritiers de milieux plus aisés.
Pour libérer les gens, il faut libérer son regard. Karen Blixen !
Fut libre et grande… Pour lire des histoires interressantes, notamment sur les rapports hommes-femmes, Noirs-Blancs en Afrique, psychologie, profondeur et légerté, grand auteur et grande dame, lire Karen Blixen.
6 novembre 2015 à 14:44 Luccio[Citer] [Répondre]
C’est sympa, ces conseils de lecture. Pour l’instant je peine à sortir de Donald Westlake, qui est tout simplement génial.