De passage à Paris dernièrement, je visitais mes amis vivants. J’en profitais également pour saluer nos morts qui reposent au Père-Lachaise et à Montparnasse, qui parfois nous entourent bien mieux que certains vivants. À ce propos, je suis toujours à la recherche de Lyotard et de Proudhon, que je n’ai pas trouvés. Fuiraient-ils ?

Au Père-Lachaise, j’étais tout d’abord heureux de tomber sur Auguste Comte, décrit ici comme « le fondateur de la religion de l’humanité. » Il parait que l’on vient du Brésil jusqu’ici : d’où pensez-vous que vient la devise écrite sur le drapeau ?

Alors que je cherchais vainement Jean-François Lyotard, je tombais sur cet autre héros postmoderne qu’était Jim Morrison. Pour lui aussi, paraît-il, on vient du Brésil.

Antoine Parmentier est enterré au milieu des patates. Il se murmure que certains lui en amènent depuis le Brésil.

La Fontaine et Molière se font face. On imagine les dialogues.

Marcel Proust a désormais l’éternité pour retrouver le reste du temps perdu.

Voici tout ce qu’il reste du libéralisme en France : un vestige. Celui de l’homme qui osa défier Kant au sujet du « prétendu droit de mentir par humanité. » Pour Benjamin Constant, la dénonciation n’était pas un devoir républicain.

Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ne pouvaient quant à eux pas être enterrés rive droite. Ils ne pouvaient être qu’à Montparnasse, à quelques arrêts de métro du « Café de Flore », où le prix du demi de bière est de 9 EUR en terrasse.

Pas très loin se trouve Charles Baudelaire. Très sobre, pour une fois.

Et à côté, après avoir considéré « les faits sociaux comme des choses», Émile Durkheim compte les cailloux, et les considère peut-être comme des faits sociaux.

Alexandre Alekhine continue-t-il de jouer aussi joliment sur cet autre marbre ?

Serge Gainsbourg, dont un square porte désormais son nom, est désormais « dans un grand trou où il n’entend plus parler de trous. »

Cesar est quant à lui toujours aussi impérial.

La tombe de Cioran m’a beaucoup déçue. Pour quelqu’un qui a passé sa vie à se plaindre d’être vivant, on s’attendait à autre chose. Au moins aurait-il pu avoir l’audace d’être enterré seul ! La vie et la mort des philosophes est souvent une étape incontournable pour juger de la valeur de leur philosophie.

Beckett, que Cioran admirait, ne fait guère mieux.

Ionesco, cet autre Roumain, ami de Cioran, fut quant à lui plus fantasque.

Toujours modeste, Raymond Aron se cache dans un coin parmi d’autres. Dans le cimetière, il est presque à l’exact opposé de là où se trouve Sartre : une grande rue les sépare. Mais ils sont tout de même dans le même cimetière. (Signalons au passage qu’il n’est pas mort du sida, contrairement à ce que prétend avec ténacité une certaine rumeur.)

Bientôt, promis, nous reviendrons de vacances avec des billets moins touristiques.

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