Dinesh D’Souza est né à Bombay et quitta son pays en 1978 pour les États-Unis avec le concours d’une bourse d’étude. Il est originaire d’une famille de Brahmanes, convertie cependant au christianisme. L’essai qu’il nous propose ici est un plaidoyer pour la civilisation américaine qui, selon D’Souza, est celle qui à l’heure actuelle propose aux individus les conditions les plus propices à son épanouissement. L’ouvrage est préfacé par Jean-François Revel, qui n’en est pas à son premier coup d’essai sur cette thématique si l’on considère les différents essais qu’il a déjà signé de sa propre main, comme Ni Marx, Ni Jésus ou L’obsession anti-américaine.

  1. Préface de Jean-François Revel à Pourquoi il faut aimer l’Amérique
  2. Une oraison funèbre. Le dilemme de Périclès et le nôtre
  3. Pourquoi tant de haine ? L’Amérique et ses ennemis
  4. Deux fois hourra pour le colonialisme. Comment l’Occident a triomphé

Jean-François Revel Revel avertit le lecteur dans sa préface que l’essai qu’il va lire n’est pas simplement une sorte de « pamphlet pro-américain ». Non. En effet, D’Souza est peut-être admiratif de son pays d’adoption. Il n’en reste pas loin qu’il ne perd pas le sens de l’objectivité puisqu’il n’hésite pas à établir certaines critiques lorsque celles-ci se montrent raisonnables – au sens de rationnelles.

Revel semble d’accord avec D’Souza dans l’admiration que ce dernier porte à la civilisation américaine. Plutôt que de se placer systématiquement a contrario, comme l’aurait fait par exemple un Emmanuel Todd, Revel acquiesce et renchérit même, puisqu’il signale que bon nombre d’autres civilisations ont pu, à d’autres moment de l’histoire, être reconnues comme possédant un certain niveau d’excellence, tout en soulignant le fait que l’hommage rendu n’impliquait pas forcément le fait que ces civilisations ne possédaient pas certains défauts. C’est pourquoi D’Souza est très attentifs aux arguments des détracteurs anti-américains, et il ne sous-estime jamais son adversaire, comme nous le verrons par la suite. Est-ce une application du conseil de Clausewitz, « il faut connaître ses ennemis » ?

La grande force de D’Souza est sa double culture si l’on peut dire. Étant né et ayant grandi en Inde, il peut être considéré comme un intellectuel du tiers-monde. Du tiers-monde oui, mais en aucun cas tiers-mondiste puisque D’Souza adopte volontiers un point de vu « occidentalo-centriste », ou plus spécialement, « américano-centriste ». Ceci peut étonner pour quelqu’un en provenance du tiers-monde, dont on est plutôt en attente d’une critique virulente de l’Occident. Mais c’est plus à une critique sur la critique de l’Occident que se livre D’Souza.

L’objectif de D’Souza, nous dit Revel, est de démolir l’idéologie multiculturaliste qui sévit sur les campus universitaires des États-Unis, mais aussi de démonter les sophismes anti-américains. Ainsi, Revel en résume un de manière exemplaire dans sa préface : si l’on accepte le dogme du multiculturalisme, à savoir que toutes les cultures, toutes les civilisations sont égales, il va de soit que la civilisation américaine ne saurait être jugée inférieure aux autres sans pour autant détruire le postulat de départ. Dans tous les cas, l’idéologie multiculturaliste est en contradiction avec l’anti-américanisme.

L’idéologie multiculturaliste critique le fait que la civilisation occidentale en général, et la civilisation américaine en particulier, ait été façonnée par et pour des mâles blancs hétérosexuels. C’est pourquoi dans certaines universités comme celles de Stanford depuis 1988, certains auteurs comme Platon, Aristote, Cicéron, Dante, Montaigne, Cervantès, Kant, Dickens, Tolstoï, Proust sont remplacés par d’autres auteurs au discours aux accents plus afrocentristes et féminins. Les manuels d’histoire préférés sont L’histoire populaire des États-Unis, histoire vue du point de vue marxiste. Tous ces faits sont confirmés par André Kaspi dans son ouvrage Les américains de 1607 à nos jours.

Dinesh D’Souza se place donc en opposition complète de ce point de vue, puisque pour lui, la civilisation américaine surpasse de loin toutes les autres, et est ainsi en accord avec ce que Berlusconi à la suite du 11 septembre avait déclaré, s’attirant les foudres de l’intelligentsia européenne et française en particulier. Il s’était fait traiter de raciste pour avoir simplement énoncé le constat de « la supériorité de notre civilisation, faites de principes et de valeurs, qui a apporté à tous les pays qui l’ont adoptée une large prospérité et qui garantit le respect des droits de l’homme et des libertés religieuses. », nous rappelle Revel, de la même façon que le prix Nobel de littérature Saul Bellow avait été traité pour avoir dit « Montrez-moi le Proust des Papous, le Tolstoï des Zoulous, et je les lirai ».

Pour D’Souza, les sources des critiques anti-américaines ne sont pas les mêmes, selon que celles-ci proviennent d’Europe, du monde islamique, ou bien de l’Asie extrême-orientale. Ainsi, les européens se consolent mal d’avoir du céder le rôle de superpuissance (hyperpuissance selon Hubert Védrine) aux États-Unis, peuplés de « demi-barbares » sous-cultivés en comparaison de la richesse à ce niveau là de la « Vieille Europe ». Pour les musulmans, le mode de vie occidental est absolument incompatible avec la foi islamique, point où ils ont raison selon Revel et D’Souza, de sorte que l’une des deux civilisations doit inévitablement détruire l’autre, selon les islamistes cette fois-ci. Pour les asiatiques, leur souhait est d’obtenir la modernisation, mais sans l’occidentalisation, chose que l’on voit se produire un peu partout en Asie et en Chine en ce moment, chose parfaitement résumée par André Glucksmann dans son ouvrage Ouest contre Ouest où le souhait des dirigeants est de vouloir la force de l’occident (le capitalisme) sans ce qui permet de la réguler (les droits de l’homme).

Pour comprendre pourquoi ces critiques, D’Souza pose alors la question de savoir qu’est ce qu’une « civilisation moderne » ? Comment, pourquoi, grâce à quoi s’est-elle construite ? C’est avant tout grâce au règne du rationalisme, mais aussi grâce à la liberté des religions, où la séparation aux États-Unis entre l’Église et l’Etat n’a même pas eu à être votée puisqu’elle fut inscrite dès le début dans la constitution. La liberté intellectuelle acquise grâce à cette révolution en permit une autre par la suite, la révolution technologique. Mais c’est également grâce au capitalisme et au libéralisme que le fantastique essor économique de l’Occident a pu signer son avènement. Par la suite, la liberté démocratique et la liberté individuelle ont pu être conquises.

D’Souza montre alors que dans d’autres pays, en prenant son pays natal, l’Inde, comme exemple, le destin de l’homme se montre tout tracé, en raison de l’appartenance aux castes, que les mariages sont décidés par les familles, ne laissant aucune place au libre arbitre. En ce sens, l’Amérique représente « une nouvelle manière d’être humain ». Toutes les sociétés ouvertes (Karl Popper), notamment en Europe, permettent ce style vie, mais c’est en Amérique que se sont développées de la façon la plus poussée ces caractéristiques.

Revel remarque que la conclusion de D’Souza se place en contradiction avec ce qu’avait prédit Tocqueville. Ce dernier avait prédit aux démocraties l’uniformité, D’Souza constate qu’il s’agit de l’inverse puisque chacun peut « devenir ce qu’il est » (Nietzsche).

D’Souza démonte également les accusations les plus répandues à l’encontre des États-Unis, à savoir, l’accusation d’impérialisme (« stade achevé du capitalisme » selon Lénine). L’argumentation, reprise par Revel, tient en 3 points : 1) les États-Unis n’ont jamais eu à proprement parler d’empire colonial. 2) leur capacité actuelle à intervenir réside plutôt dans le manque qu’ont les autres pays à résoudre leurs propres crises par eux-même. 3) le fait de se sentir une mission civilisatrice n’est pas propre aux États-Unis, la France se proclamant volontiers « berceau des droits de l’homme ».

Pour ce qui est de la guerre en Irak, l’Europe n’a eu de cesse de dire que cette intervention n’avait d’autres fins que économiques, à savoir obtenir la main mise sur le pétrole. D’Souza rappelle que ce n’est pas un crime pour un pays d’agir dans ses intérêts. Existe-t-il un pays où l’on demande à l’intérieur qu’il agisse contre les siens ? Si Bush avait voulu faire baisser le prix du baril, il lui suffisait de lever l’embargo.

C’est pourquoi Revel cite dernièrement Robert Kagan, en expliquant que la passivité des Européens en matières d’affaires étrangères s’explique principalement en raison de son insuffisance militaire. « La politique étrangère est sans doute le fruit le plus rachitique de l’Europe » (Kagan). Le monde arabe est encore en moins bonne posture de participer à la politique internationale étant donné que la plupart de ses pays sont en faillite économique puisqu’ils sont basés sur une économie rentière. Pour D’Souza, le retard en terme de développement économique vient de l’absence de démocratie.

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