Approche poppérienne du problème du déterminisme
Si l’on oppose liberté et déterminisme, est-ce que l’échec du déterminisme entraîne la liberté ? Admettons-le, à titre d’hypothèse. En ce cas, il ne peut y avoir un déterminisme rigoureux que si on admet le réalisme épistémologique des théories, c’est-à-dire que les lois scientifiques nous parlent vraiment du monde. Mais pour Popper, ce n’est pas possible : une théorie scientifique doit nécessairement être falsifiable, qui pourra peut-être être falsifiée et qui devra l’être. Ainsi, une loi scientifique tombe toujours à coté ; il y a par conséquent une part de contingence, autrement dit, de hasard – de liberté?
Mais rien n’est moins sûr, car Popper dit bien que l’on peut mettre en loi le hasard. De plus, il nous dit bien que loi physique et loi scientifique ne sont pas la même chose. Qu’il y ait des lois physiques, ce ne peut être qu’une croyance, une croyance forte que nous devons même avoir, sans quoi l’action est presque impossible. Ainsi, il peut peut-être y avoir un déterminisme, en vertu des lois physiques que nous devons peut-être postuler. Mais le reflet que nous en avons avec nos lois scientifiques est imparfait et ne sera jamais parfait, et à partir de nos lois scientifiques, on ne peut pas conclure au déterminisme ; seul les lois physiques nous le permettrait. Le déterminisme est donc croyance, il est métaphysique.
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12 janvier 2013 à 3:41 Yann[Citer] [Répondre]
Ce sujet est passionnant, c’est un plaisir de lire ces billets!
Si on parle de liberté suivant la définition de Kant, qui parle aussi de causes libres, alors c’est presque simple: liberté et déterminisme sont deux options métaphysiques complémentaires. Sauf que dans son antinomie trois, il s’agit de savoir si les lois de la natures sont toujours suivies ou s’il existent des causes libres qui s’en affranchissent. Or quelles sont ces lois de la natures ? Celles que l’on détermine par degré petit à petit en les raffinant par le progrès scientifique ou d’hypothétiques lois pures qu’on approchera peut-être sans jamais les connaître par des moyens empiriques? Si c’est les premières, l’antinomie tombe, car il suffit de remanier les lois pour y intégrer les causes libres dans un modèle ad hoc. Si c’est les secondes, elles restent inconnues: on n’a plus aucun critère de comparaison accessible pour savoir si nos causes sont libres ou non: l’antinomie reste possible, mais devient inutilisable, comme d’ailleurs toute la morale qu’il a fondé sur cette antinomie.
Si on parle de liberté suivant la définition de Locke, il n’y a aucune opposition avec le déterminisme. Libre, c’est juste ne pas être empêché, dans l’hypothèse d’un mouvement.
Le déterminisme, comme Hume l’a montré de manière assez convaincante, c’est effectivement une hypothèse métaphysique.
17 janvier 2013 à 12:44 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Il y a longtemps que j’avais écrit ces quelques idées, et en les relisant, je les trouve assez imparfaites par rapport aux idées de Popper (par exemple, sur la question du réalisme, puisque Popper défend une certaine forme de réalisme).
En fait, ce sur quoi l’article débouche me paraît être résumé tout entier dans l’aphorisme 6.36 du Tractatus de Wittgenstein :
Et plus loin, Wittgenstein poursuit :
Cela dit, avec toutes les restrictions et nuances qu’il faudrait toutefois apporter à l’affirmation qui va suivre, je me demande si cette position ne revient pas à réintroduire une partition finalement assez kantienne entre d’une part des choses en soi dont on ne connaît rien, pas même si elles sont soumises au principe de causalité, et d’autre part des phénomènes, desquels on peut parler (en laissant de côté la question de savoir comment la chose en soi peut causer le phénomène si elle n’est justement pas soumise à la causalité), avec pour seule différence quelques changements de niveau.