Dick FosburyLes sous-disciplines de certains sports sont innombrables. Natation : crawl, brasse, papillon, dos crawlé. Canoë-Kayac : canoë et kayac. Aviron : de pointe, de couple. Tir : carabine, pistolet, arbalète. Escrime : fleuret, épée, sabre. Haltérophilie : arrachée, épaulé-jeté. Lutte : gréco-romaine, libre.

Autant de sous-disciplines, autant de médaillés et de champions. Chacune constitue un sport propre avec ses spécialistes. Les différences entre chacune correspondent à un geste technique différent. Le crawleur et le brasseur, bien que tous deux nageurs, nagent différemment.

Souvent, un geste technique s’avèrent être plus performant qu’un autre : le crawleur nage plus vite que le brasseur, tout comme le sauteur en Fosbury saute plus haut que s’il avait utilisé un ciseau ou un rouleau costal ou ventral.

Pourtant, en saut en hauteur, les différentes techniques (perche mise à part) n’ont pas donné lieu à la création de sous-disciplines autonomes ou quasi-autonomes. Il y a un seul champion de saut en hauteur et plusieurs de natation. Il n’y a pas de champion de Fosbury, de ciseau, de rouleau costal ou ventral comme il peut y avoir un champion de canoë (qui pagaye à genoux avec une pagaie simple) et un champion de kayac (qui pagaye assis avec une pagaie double).

C’est que l’on considère que dans un cas, il s’agit de disciplines différentes, voire de sports différents, et que dans l’autre, il ne s’agit que d’une variation interne à une discipline. Qu’est-ce qui fonde le fait que le brasseur et le crawleur soient perçus comme étant d’espèces différentes pendant que l’adepte du Fosbury et celui du ciseau continuent à en constituer une seule ?

Il y a là un problème taxinomique semblable à celui qu’avait rencontré Darwin. Résoudre ce problème revient très précisément à répondre à la question de L’origine des espèces des sports. Est-ce, comme Darwin le sous-entendait pour son problème, « au moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie » que les disciplines sportives se constituent ?

Darwin est sans contredit à méditer pour résoudre la question. Quand Fosbury décide de passer la barre non plus par le rouleau ventral mais par sa technique particulière, c’est comme si un gêne avait muté chez les sauteurs en hauteur. Désormais, il y aura lutte entre ceux qui muteront pour le Fosbury et ceux qui en resteront à d’autres techniques plus archaïques. Ceux qui sautent le plus haut sont naturellement mieux adaptés à la survie sportive. Pendant un temps, rouleau ventral et Fosbury cohabiterons, une technique parvenant à rivaliser avec l’autre. Puis, un jour, la barre est décidément trop haute. Seuls les Fosbury la franchissent et les rouleaux s’éteignent. Une dynamique toute darwinienne.

Qu’est-ce qui alors a fait qu’en natation, les brasseurs n’aient pas péri ? Les crawleurs vont bien plus vite et ils auraient dû logiquement évincer, parce que mieux adaptés, tous les autres nageurs. Pourquoi la dynamique darwinienne ne fonctionne-t-elle plus dans ce cas ?

Les brasseurs subsistent-ils parce qu’ils sont dans une autre niche écologique que les crawleurs ? Subsistent-ils parce qu’ils sont plus nombreux ? Subsistent-ils parce qu’ils sont une espèce protégée ? Autant d’hypothèses qu’il conviendra de démêler. Reste cependant un constat : le sport n’est pas aussi darwinien que ce que certains prétendent. Ou s’il l’est, ça ne l’est que par certains aspects.

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