Quelques gouttes d’huile de coude dans la Rolex
L’un des nombreux mérites de l’ouvrage Qu’est-ce que le mérite ? publié par Yves Michaud est d’insister et de creuser la distinction entre deux sortes de mérite : le mérite rétributif d’une part, et le mérite moral d’autre part. Le mérite se dit en effet en plusieurs sens, et il importe de les distinguer très exactement − au lieu de quoi on se risque à d’importantes méprises aux importantes conséquences.
La confusion entre ces deux espèces de mérite est facilitée par la langue française, qui ne dispose que d’un même mot, que d’un même verbe pour ces deux choses : dans les deux cas, on mérite ; dans les deux cas, on a du mérite.
La langue anglaise − au moins sur ce point − est quant à elle plus fine, plus précise, plus subtile − ce qui pour autant ne constitue pas une garantie contre la confusion entre les deux concepts de mérite. L’anglais utilisera ainsi tantôt le verbe to merit, tantôt le verbe to deserve.
Mérite rétributif
Le mérite rétributif, que l’anglais rend par to merit. Il désigne la rétribution (argent, gloire, diplôme, position hiérarchique ou autre) attribuée à un individu (ou une équipe, ou une institution) en fonction de ses capacités. Il s’agit ni plus ni moins que de la simple application du principe de justice distributive déjà explicité par Aristote. Le mérite rétributif récompense les talents, indépendamment de la question de la responsabilité quant à la possession de ceux-là : est-on responsable d’être performant ou pas ? Les dons sont en effet répartis très arbitrairement par la nature : les individus sont fondamentalement inégaux, et il nait des faibles et des forts, des benêts et des génies, sans que parfois on n’y puisse rien y faire.
Le mérite rétributif accordera simplement plus à celui compétent et moins à celui qui ne l’est pas. Vous méritez votre diplôme parce que vous êtes parvenus à obtenir le nombre suffisant de points ou de crédits. Vous méritez votre salaire parce que vous êtes d’une compétence à sa mesure. En sport, une victoire sera méritée si décidée sans qu’il y ait triche (dopage, manque de fair play, etc.) ni imprévu (arbitrage arbitraire, malchance d’un participant, etc.), de telle sorte « que le meilleur gagne », et lui seul − et non pas le faible, et non pas celui possédant des talents inférieurs. On peut dire de quelqu’un qu’il mérite quelque chose en ce sens si et seulement si ce qu’on lui attribue est objectivement fonction de ses talents et capacités.
À l’inverse, de quelqu’un occupé à une charge trop importante pour lui, de quelqu’un habillé de vêtements trop grands, de quelqu’un ayant atteint son niveau d’incompétence (voir le principe de Peter) et néanmoins toujours à un poste plus haut que celui qui devrait lui revenir, on dira qu’il ne mérite pas d’être là, qu’il est injuste que lui occupe cette place, qu’elle devrait davantage revenir à tel autre bien plus apte qui la mériterait bien plus. Ainsi, sous l’Ancien Régime, ces nobles et aristocrates qui, pour le dire comme Beaumarchais, ne se sont donné que « la peine de naître » pour occuper les charges qui sont les leurs sans posséder nécessairement les aptitudes requises, alors que des bourgeois et des roturiers bien plus capables qu’eux sont exclus du jeu et condamnés à les regarder de leurs yeux envieux mais impuissants. They would merit, but…
Mérite moral
Le mérite moral, que l’anglais rend par to deserve. Il n’est ici plus question des talents et capacités d’un individu en tant qu’ils correspondent ou non aux responsabilités et honneurs qu’on lui accorde, mais du rapport entre ces talents et la responsabilité qu’a l’agent quant à ceux-là − et par conséquent, par transitivité, du rapport entre les honneurs accordés et la responsabilité de l’individu quant à ceux-là.
Comment un individu en est-il arrivé à mériter la position qu’il occupe ? Par ses talents. Mais comment en est-il arrivé à posséder de telles capacités ? Est-ce un don de la nature, quelque chose d’inné, un cadeau du ciel ? Au quel cas il faut imputer la responsabilité non pas à l’agent lui-même, mais davantage à la chance d’être bien né (avec de bons gènes, dans une bonne famille, dans un bon contexte social). Est-ce au contraire quelque chose d’acquis, qui lui a demandé effort, travail, volonté, courage, abnégation, application, sueur ? Dans ce cas, la responsabilité pourrait, à première vue, revenir essentiellement à son action. D’un point de vue moral, on accordera davantage de mérite à la deuxième personne qu’à la première − alors que d’un point de vue rétributif, il est possible au contraire que la première personne soit plus méritante que la deuxième.
À l’évidence, tout bachelier parvenant à obtenir son diplôme le mérite, au sens rétributif, s’il parvient à acquérir légitimement les points nécessaires. Mais tel individu, fils de divorcés illettrés, issu d’une famille trop nombreuse, parachuté dans un pays où il ne connait que peu la langue, qui aura dû s’avilir au salariat en marge de ses études lycéennes pour subvenir aux besoins de sa famille, vivant dans la promiscuité avec les fils du vices, aura davantage de mérite, au sens moral, s’il parvient à un succès, que tel autre, fils de bonne famille, dont le père est universitaire et la mère médecin, qui joue aux échecs depuis l’âge de trois ans et lit en silence sans bouger les lèvres depuis qu’il en a quatre, inscrit depuis toujours dans des établissements sans problème, bénéficiant de toute l’assistance et l’amour que l’on peut demander, et qu’il n’aura même pas eu à solliciter. L’un aura eu maints obstacles superflus, très pénibles à surmonter, une route semée d’embûches inutiles, pendant que l’autre n’aura eu qu’à se laisser porter par la douce brise soufflant sur les voiles de sa destinée avant même qu’il ait eu à sortir de son berceau.
« Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois » : il ne leur est pas nécessaire de travailler pour garantir leur ascendant sur les autres ; ils n’ont besoin que de se donner la peine d’ouvrir l’œil que la nature a bien voulu leur laisser, en cela comparables aux nobles de Beaumarchais. Ils méritent certainement d’être là, bien assis confortablement sur leur trône, car ils voient mieux ; mais est-ce sûr qu’ils méritent de voir mieux ? Qu’ont-ils fait pour cela ? Leur aura-t-il fallu travailler, suer, s’appliquer autant qu’un aveugle aura dû le faire ?
« Que le meilleur gagne », certes ; mais où, précisément, se trouve le mérite si le meilleur gagne ? Un tel n’aura besoin d’aucun travail pour l’emporter, se contentant d’utiliser ce que la nature, la société, le hasard lui a gracieusement offert, pendant qu’un autre pourra certainement travailler encore plus, encore mieux, avec encore davantage d’assiduité et de sincérité que n’importe qui, sans pour autant aboutir au moindre petit succès. He would deserve, but…
De la confusion entre mérite rétributif et mérite moral
On voit que ces deux notions sont différentes. Même : elles peuvent être presque antinomiques dans certains cas. Si l’on considère certains domaines de l’action humaine où la réussite est davantage corrélée à l’inné qu’à l’acquis, davantage fonction du privilège de naissance des dons et talents que la nature et la société distribuent arbitrairement qu’au travail permettant de les augmenter toujours trop insuffisamment, on concevra facilement le fait que mérite rétributif et mérite moral ne seront absolument pas dépendant, et évolueront dans des directions tout à fait opposées.
Car dans un pareil cas, le plus méritant au sens rétributif, c’est-à-dire le plus compétent, ne le sera que pour s’être donné la peine de naître, et ne possédera qu’un faible mérite moral, puisqu’il n’aura pas eu besoin de s’efforcer plus que cela pour parvenir au succès. Quant au moins méritant au sens rétributif, c’est-à-dire le plus incompétent, pour peu qu’il s’applique avec assiduité à travailler le mieux et le plus qu’il le peut pour l’être moins en tâchant d’augmenter ses quelques talents que la nature et la société ne lui ont attribué qu’avec trop de frugalité, il possédera un grand mérite moral, directement corrélé au nombre de gouttes de sueur versées.
Dans les différents discours traitant du mérite, tout cela n’est pas toujours très clair. Les deux dimensions du mérite sont bien souvent assimilées pour ne donner qu’un seul concept syncrétique plein et sans nuance, où mérite rétributif et mérite moral ne sont considérés que comme une seule et même chose. Si bien que l’on prendra facilement les signes de l’un pour ceux de l’autre, de la même manière que le Dieu de Luther montre les signes de sa grâce par la réussite qu’il accorde à ceux qu’il a élu.
Ainsi, il ne fera pour certains aucun doute que quelqu’un avec un gros salaire, avec un gros diplôme, occupant une haute position, mérite moralement tout cela bel et bien : il aura évidemment dû travailler, suer, faire preuve d’audace et d’abnégation pour parvenir à un tel niveau de rétribution. Quelqu’un d’autre resté quant à lui bien nu tout en bas de l’échelle sociale ne pourra s’en prendre qu’à lui-même : il n’aura pas su, il n’aura pas voulu faire les efforts nécessaires auxquels chacun peut et doit se sacrifier. Si bien que l’on soutiendra sans frémir l’assertion suivante :
« Si a 50 ans on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie. » (Jacques Séguela)
Ordre et travail
La confusion entre les deux concepts a d’importantes conséquences. En premier lieu, assimiler mérite moral et mérite rétributif revient, comme on l’a dit, à lier ensemble fermement dans un même nœud d’un côté la rétribution, et de l’autre − pour le dire d’un mot − le travail. L’homme méritant sera celui qui travaille beaucoup, et qui en même temps gagne beaucoup. Toute peine méritant salaire, un gros salaire sera l’indice d’une grosse peine (labeur). Plus on travaille, plus on gagne : « travailler plus pour gagner plus » (Nicolas Sarkozy).
Voici qui permet de manière très simple de mettre les gens au travail. Amalgamer les deux notions permet en effet de faire admettre très simplement l’idée que le salaire que l’on peut espérer ne dépend de rien d’autre que de sa bonne volonté. C’est là une seule et même chose que de gagner beaucoup d’argent et de suer à grosse goutes, puisqu’il s’agit du même mérite : suez encore plus et vous en gagnerez encore davantage.
Corolaire : puisque l’on est responsable de ce que que la société nous accorde, puisqu’on le mérite dans les deux sens du terme, il s’en suit que où que l’on se trouve dans la hiérarchie sociale, on n’a à s’en prendre qu’à soi-même. Ce qui vient régler les rapports dans la société méritocratique est « un ordre juste » (Ségolène Royal) que chacun doit reconnaître et accepter comme tel. À qui reprocher les malheurs de son sort lorsque l’on est seul responsable de celui-ci ? « Quand on veut, on peut » : si on n’a pas pu, c’est qu’on n’a pas voulu, et dans ce cas là, c’est un choix qu’il faut assumer, en se soumettant gentiment à l’ordre social qui n’est en rien illégitime. Au final, « on obtient toujours que ce que l’on mérite. »
La confusion entre les deux dimensions du mérite permet ainsi à la fois de mettre au travail et de préserver l’ordre social. Le rêve de tout politique, ce qui explique pourquoi chaque camp le revendique, et prétend mériter mieux que tout autre l’honneur de le défendre.
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17 octobre 2010 à 10:08 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Addendum. Concernant la notion « d’ordre juste » de Ségolène Royal, qui fait référence immédiatement à Jaurès pour qui il fallait « en finir avec l’injustice qui, du père au fils, passe avec le sang » (dixit Royal), on peut, je pense, l’entendre comme la volonté de rompre avec un système qui reproduirait les inégalités et les injustices au lieu de se fonder sur le mérite de chacun. En effet, comme le rappelle Michel Noblecourt, celle-ci a ensuite davantage parlé d’un « ordre économique juste », qui devait « faire en sorte que chacun puisse vivre dignement de son travail. »
Quant à la sorte de mérite qui est en jeu, elle n’est pas claire. Mais on peut sans doute supposer que, schématiquement, la gauche fait usuellement référence au mérite moral et la droite au mérite rétributif. D’où une confusion dans les débats puisque le même terme désigne les deux significations.
20 octobre 2010 à 10:01 A mon avis[Citer] [Répondre]
Merci pour l’addendum. Finalement les politiques ont tout intérêt a produire un discours peu clair voir ambigu (tel l’ordre juste royalien) pour que chaque électeur puisse y projeter ses propres aspirations. A la manière des textes religieux.
20 octobre 2010 à 13:02 Gnouros[Citer] [Répondre]
Et peut-être est-ce même moi qui projette mes aspirations dans ces discours ?
15 février 2011 à
[…] Parions donc que Gouget se place au moins indirectement sous le patronage de ce mythe de Theuth. Rappelons-nous ce que note Thamous, « tel est capable de créer les arts, tel autre de juger dans quelle mesure ils porteront tort ou profit à ceux qui doivent les mettre en usage ». Pour Platon, celui qui maîtrise les techniques d’usage commande celui qui maîtrise les techniques de fabrication. Le pilote commande au constructeur naval, et l’homme politique à l’inventeur de l’écriture et aux professeurs. Sans doute Gouget veut s’opposer à la technique (et à ce que certains avancent comme le sens de l’Histoire) au nom et au moyen de la politique. Mais peut-être pas sur un plan platonicien (où le philosophe, plus que le Démocrate, s’occupe de la cité). Nous voilà arrivés au bout de ce billet presque aussi publicitaire qu’un billet gnourosien sur Yves Michaud. […]
22 juin 2011 à
[…] mérite, le mérite… ô lecteur assidu, cela devrait te rappeler ce billet d’Oscar où il présente la distinction entre mérite moral et mérite rétributif q…. Petit résumé : Un champion (d’athlétisme ou des mathématiques) peut n’être […]
10 janvier 2012 à 10:25 Philon Junior[Citer] [Répondre]
Je relis cet article pour préparer mon cours sur la justice, et je le trouve vraiment bien écrit et instructif. À la suite de Hume qui ditait « Pourquoi écrire des essais », tu pourrais faire une « Pourquoi écrire des billets ». si les essais sont pour Hume des condensés des débats intellectuels accessibles au public mondain, les bons articles sont quant à eux des essais condensés (ton billet condense l’essai de Michaud) et permettent de livrer les idées au grand public.
10 janvier 2012 à 12:06 Gnouros[Citer] [Répondre]
Cher Philon, merci pour ces quelques fleurs.
Cependant, le temps passant et ma mémoire me trahissant, je suis de moins en moins sûr que tout ceci se trouve vraiment développé de la sorte dans le livre de Yves Michaud. Car si je compare avec ce résumé du même texte fait ici : http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article350, il semblerait que nous n’en ayons pas du tout retenu les mêmes choses. Il faudrait relire le Michaud − qui est de toute manière très bon, et par ailleurs sorti en livre de poche récemment. Peut-être un jour…
Peut-être y a-t-il en fait beaucoup de gnourosisme là-dedans. Si je précise ceci, ce n’est nullement par prétention − ou juste un peu −, mais parce que je ne voudrais pas attribuer ou que l’on attribue des thèses à Yves Michaud que celui-ci n’a peut-être pas soutenues, ou qu’il n’approuverait peut-être pas. Mais ce n’est pas parce qu’il ne l’a peut-être pas dit ainsi que cela ôte toute pertinence à ce qui est dit ici.
En tout cas, je note cette très bonne idée que d’actualiser la thèse humienne sur l’écriture des essais 🙂
27 décembre 2012 à 15:00 Luccio[Citer] [Répondre]
Ca n’a peut-être rien à voir avec le fromage, mais tu devrais lire ce petit gag.
27 décembre 2012 à 16:37 Gnouros[Citer] [Répondre]
Ah oui, j’avais vu ! Ça perd beaucoup à la traduction tout de même.
29 janvier 2013 à
[…] rhétorique consistant à se pavaner de ses mérites en les mettant en rapport avec le travail : on a déjà étudié les conséquences de cette sophistique. Partons plutôt de l’hypothèse que pour Michel Onfray, le travail est un plaisir. […]
24 mars 2014 à 1:19 V.D.[Citer] [Répondre]
Avant d’en venir au corps de mon commentaire, je tenais à vous féliciter et à vous remercier d’avoir, avec Morbleu, doté internet d’un de ces trop rares espaces de vraie réflexion, et à déplorer que ce site ne jouisse pas d’une plus grande publicité (il m’aura fallu rechercher « Deleuze ongles » sur google pour tomber par hasard dessus…).
Le rappel de cette distinction conceptuelle sur le terme « mérite » me semble très bien venu dans les temps qui courent. Cependant, à la lecture de ce billet, deux questions me taraudent. Des deux types de mérite, vous semblez (d’une manière assez logique)privilégier la seconde, le mérite moral. Par ailleurs, il semble que mérite moral et travail soient, sinon équivalents, du moins très fortement corrélés. Me viennent dès lors les deux questions :
1) Jusqu’à quel point le travail confère-t-il un mérite moral ? Un exemple assez trivial et amusant me vient : dans un épisode de South Park, Randy March s’échine comme un forcené à produire le plus gros étron du monde, record qui va jusqu’à être officialisé, avalisé et mythifié par un comité compétent. Randy March a-t-il alors un quelconque mérite moral, étant donné que, quand même, pour en arriver là, il en aura chié !(c’était facile et assez mauvais, excusez-moi)
2)Dans quelle mesure l’utilisation d’un tel concept est-elle pertinente ? Ce concept est par essence, me semble-t-il, une arme de jugement moral, et même celle qui, à l’heure actuelle, est la plus en vogue. J’ai l’impression qu’analyser l’homme à la lumière d’un tel concept ne débouche sur rien d’autre que sur une hiérarchisation des individus, et me semble être une des base conceptuelle des sociétés de surveillance au sens de Foucault : « Surveillance, exercices, manoeuvres, notations, rangs et places, classements, examens », ainsi que la sacro-sainte « méritocratie républicaine » fonctionnent tous sur ce concept. Vous me répondrez sans doutes que tout ceci se base sur le mérite rétributif et non le mérite moral, mais on obtiendrait quelque chose de très similaire si c’était bien le mérite moral qui était sous-jacent (et d’ailleurs la plupart des tenants du discours méritocratique prônent que c’est bien de celui-ci qu’il s’agit).
24 mars 2014 à 20:25 Gnouros[Citer] [Répondre]
Morbleu ! possède un côté ésotérique. Caché au fond des méandres du Net, il ne se donne qu’à celui capable de patience et d’acharnement. Son goût n’en est que plus savoureux, son public d’un plus grand prix, car ayant triomphé de cette exigeante initiation.
Vos observations sont de la plus grande pertinence. Une ambiguïté du texte peut laisser penser que je valorise une des deux dimensions du mérite, mais ce n’est en fait nullement mon intention. Je cherche seulement à déconstruire, de façon la plus objective qu’il soit, la manière dont cette dialectique du mérite fonctionne, et quels en sont les effets de pouvoir.
Concernant la relation des variables mérite moral et travail, il n’est pas évident de déterminer si le mérite ne dépend que de l’acharnement à persévérer dans une activité, ou s’il tient également à la nature de l’activité elle-même. Peut-on trouver du mérite dans la scatophilie de Randy Marsh ? Il me semble que l’on osera parler de mérite en général (moral ou non) qu’à partir du moment où l’activité en question est socialement valorisée. Le travail est sans doute une condition nécessaire aux honneurs, la compétence également, mais elles ne sont pas suffisantes.
Pour ce qui est de votre deuxième remarque, je suis en parfait accord avec elle, et je ne peux que souscrire au rapprochement que vous osez faire avec Foucault. À coup sûr, la méritocratie est à ranger aux côtés des dispositifs de pouvoir permettant d’assujettir les individus, dans le double sens du mot « sujet » : sujet en tant que « je », qui revendique avec bon cœur de mériter quelque chose ; mais également sujet en tant qu’il est sous la sujétion d’un certain pouvoir, qui fonctionne justement à l’aide de cette illusion du mérite.
3 octobre 2016 à 18:40 Luccio[Citer] [Répondre]
Petite chronique de Brice Couturier, où ça cause mérite.
http://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/critiques-de-la-meritocratie-des-elites-irresponsables-et
3 octobre 2016 à 19:17 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Et où ça mérite de causer.
3 octobre 2016 à 20:08 Luccio[Citer] [Répondre]
Le chiasme est un produit contagieux.