La consultation philosophique par Eugénie Vegleris
Que peut faire un philosophe à part « professeur de philosophie » ? Ce livre donne une réponse possible : la consultation philosophique.
Eugénie Vegleris a d’abord travaillé comme professeur de philosophie, puis a choisi de monter son affaire. Son livre offre de nombreux exemples concrets et illustrés de ce qu’est son travail.
La consultation philosophique ne doit pas se confondre avec la formation philosophique ou avec le coaching. La formation doit apporter des compétences en un temps donné tandis que le coaching sert à diriger quelqu’un. La consultation philosophique, qui requiert un temps indéterminé, vise plutôt la liberté des individus.
La consultation philosophique ne doit pas non plus se confondre avec le travail des psychanalystes. La psychologie pense que les problèmes des gens proviennent de leur passé, de leur vie personnelle. La philosophie prend plutôt le parti de penser que tous les humains se posent les mêmes questions existentielles.
La consultation philosophique a été créée en 1981, en Allemagne, par Gerd Achenbach. C’est peut-être un hasard si les « coachs » sont également apparus dans les années 80. La consultation philosophique fut importée en France par Marc Sautet (vous savez, celui qui a créé les cafés-philo). L’auteur rapporte d’ailleurs une anecdote intéressante. Le fondateur Achenbach a assisté à un café philo d’Eugénie et il aurait sévèrement critiqué. On ne peut pas donner gratuitement de la philosophie. On risque de la dévaluer.
Si on ne fait pas payer, les gens vont croire que la philosophie n’a aucune valeur. Cette question mérite réflexion mais Madame Vegleris semble plutôt critique à l’égard de l’argent. Cette question revient souvent dans son ouvrage, en rappelant régulièrement que ce n’est pas l’argent qui la motive.
En observant la bibliographie, on constate que Vegleris a fortement été influencée par l’œuvre de Karl Jaspers. N’étant pas un expert de ce philosophe, je ne vais pas me risquer à établir la part de son héritage.
Dernier point intéressant du livre : l’auteur explique sa méthode. En philosophie, il n’existe pas de méthode au sens de procédure mais chaque consultant se fixe des règles. La méthode de Vegleris consiste à « penser la situation en faisant attention au sens des mots et en reliant sans cesse les situations vécues à la culture de notre société et à la condition humaine. » Vegleris expose ses 4 règles : exigence de clarté, ouverture à la remise en question, confrontation avec soi à travers une communication authentique avec l’autre, réciprocité.
Les autres consultants peuvent utiliser des méthodes différentes mais une certaine convergence semble apparaître autour des règles :
- règle de la conceptualisation
- règle de la définition
- règle de la confrontation
- règle du questionnement
- règle de la prise de hauteur
- règle de la contextualisation
- règle de l’incertitude
Ces philosophes se réclament souvent de Socrate (questionnement, exigence de définir les termes).
L’entretien philosophique n’est pas encore très connu en France, pourtant nos voisins européens ont déjà perçu son potentiel. En Italie, il existe un Master pour former à l’entretien philosophique. Et nous ? Qu’attendons-nous ?
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28 février 2011 à 9:13 Christian[Citer] [Répondre]
Bonjour,
Je n’ai pas (encore) lu le livre…
Il est faux de penser que le coaching consiste à diriger une personne.
Au contraire, un vrai coach donne justement sa liberté à son coaché en le « libérant ».
Cependant c’est vrai qu’il existe un grand nombre de coachs qui ne sont que des conseillers…
Et que certains managers utilisent le coaching pour encore mieux presser leur personnel.
Cordialement
28 février 2011 à 18:51 Luccio[Citer] [Répondre]
Salut Ovide.
Et Socrate ? Incapable de se faire une thune. Il a trop dévalué la philosophie.
Achenbach doit être un fan de l’argumentation de la psychanalyse : il faut que le patient paye pour qu’on soit certain qu’il s’investit. Ca se défend, c’est, au niveau spirituel, faire plier la machine pour faire plier l’âme.
Mais précisément, est-ce qu’il n’y aurait pas un passage où Vegleris traite de la cible de la consultation philosophique ? Cette dernière pourrait par exemple ne concerner que des gens malades.
Car la philosophie, il me semble que c’est aussi quelque chose dont a besoin celui qui la produit. Disons que le cordonnier pourrait produire beaucoup moins de chaussures s’il gagnait au loto (passant son temps libre à autre chose). Si le philosophe gagnait au loto, il pourrait lire encore plus de philosophie (passant une bonne partie de son temps libre à philosopher). Pis, il est bien possible que le philosophe soit presque disposé à payer pour en trouver d’autres avec qui discuter.
L’argent serait la condition d’accès des progressant à la philosophie, mais il est un peu étrange qu’on y accède comme malade. Sans doute la consultation philosophique n’est-elle pas une initiation à la philosophie.
2 mars 2011 à 20:36 Ovide[Citer] [Répondre]
Christian, je ne voudrais pas présenter une vision caricaturée du coaching (qui est une démarche intéressante) toutefois il faut bien l’avouer (et les spécialistes le reconnaissent) le coaching sert principalement à guider.
Si tu conais bien le coaching, tu connais également ses dérives:
-certains coachs finissent par se prendre pour des gourous;
-certains coachs prennent des décisions à la place des gens;
-les coachs sous prétexte d’aider une personne vont lui enfoncer dans le crâne les valeurs de l’entreprise.
Je dis ça à partir du livre de Michela Marzano, Extension du domaine de la manipulation, et d’une conférence sur le coaching tenue récemment à Lyon3 par des spécialistes du coaching en entreprise.
Luccio, j’aime beaucoup ton argument. Effectivement notre rapport à l’argent est différent. Mais quand même!!! Pour reprendre un argument de Luccini, c’est normal qu’on paye les comédiens et les artistes. Si on les payait pas, le public ne comprendrait pas la valeur de l’art.