Quenelles sauce poppéro-rawlsienne : faut-il tolérer l’intolérable ?
Voilà plusieurs semaines que la France se pose l’importante question d’accepter ou pas les quenelles dans son régime alimentaire. À Morbleu !, en bons Lyonnais, on ne pouvait rester sans réagir face à ces discussions qui placent au centre du débat un élément fondateur de notre civilisation, certes régionale, mais qui prétend toutefois, comme toutes les cultures, à l’universalisme.
À ce sujet, les choses les plus justes me paraissent avoir été écrites par Harold Bernat sur « Critique, et critique de la critique ». L’auteur, qui admit dernièrement avoir succombé fut un temps à une certaine soralomanie en matière de séduction, montre bien en quoi Dieudonné répond à une certaine forme de cynisme pervers, qui joue de la transgression autant qu’on lui pose des interdits.
Qu’y avait-il alors à ajouter au brouhaha ambiant ? Rien, si ce ne sont quelques petites choses un poil théoriques sur la liberté d’expression et la tolérance.
La tolérance, pour la définir en quelques mots, consiste à accepter ce que l’on désapprouve. Fille des guerres de religion ayant opposé protestants et catholiques, la tolérance est comme une résignation : je ne parviendrai pas à faire changer l’autre d’avis, encore moins à le convertir, ni à le faire se ranger à mon camp, ou à le faire agir comme je le souhaite. « Cesser de combattre ce que l’on ne peut changer », écrivait John Locke, et accepter l’autre tel qu’il est. Laissons-le penser, dire, faire, vivre à sa manière ; ne le tourmentons pas, ne le violentons pas, ne le tuons pas. Ainsi que l’écrivait Voltaire dans le Dictionnaire philosophique à l’entrée « Tolérance » : « nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs ; pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature. »
De cette charmante idée de tolérance découlent certaines choses assez remarquables, comme la liberté d’expression d’une part, et la démocratie moderne d’autre part. Nos sociétés se fondent en effet sur l’acceptation des différences, depuis l’opinion la plus intérieure psalmodiée silencieusement au plus profond de sa conscience, jusqu’à l’exhibition la plus exposée et obscène de modes de vie échappant aux normes de la convenance sociale. Mais faut-il déduire de ceci qu’il faut alors tout accepter, même l’intolérable ? Faut-il laisser la parole aux ennemis de la tolérance ?
Dans La société ouverte et ses ennemis, Karl Popper remarquait que cette question, « faut-il tolérer l’intolérable ? », a toutes les allures d’un paradoxe − en ceci, sa longue étude de la logique et du Tractatus de Wittgenstein n’avait pas été en vain.
En effet, deux cas de figure :
- Je suis tolérant, et décide de ne pas tolérer les intolérants. Dans ce cas-là, manifestement, je suis intolérant, ce qui détruit directement le concept de tolérance.
- Je suis tolérant, et décide de tolérer les intolérants. Dans ce cas-là, manifestement, je laisse faire les intolérants, ce qui détruit indirectement le concept de tolérance.
Quoi que l’on fasse, la présence d’intolérants dans une maison de tolérance semble donc la faire s’écrouler, ou tout du moins vaciller. Popper en déduit alors que, à choisir, plutôt qu’une tolérance illimitée impraticable, il vaut mieux une tolérance limitée viable, quitte à botter les fesses aux ennemis de celle-ci. En somme, il découle du concept de tolérance lui-même que celui-ci a besoin de limites pour pouvoir fonctionner.
La question est alors de déterminer quand est-il légitime de botter les fesses aux intolérants. Problème difficile. Nous avons en effet tous en nous un certains degré d’intolérance, et que celui qui ne l’a jamais été jette la première pierre sur Jésus. S’il fallait être strictement intolérant avec l’intolérance, nous finirions tous exclus, à commencer par les grands chevaliers blancs de la tolérance qui sont, comme on l’a vu, un poil intolérant quand même. Comment, donc, déterminer le degré intolérable de l’intolérable ?
Dans la Théorie de la justice, livre injustement ignoré, John Rawls distinguait trois importantes questions concernant ce problème :
- Les intolérants peuvent-ils se plaindre de ne pas être tolérés ? À l’évidence, selon Rawls, non, puisqu’en vertu de simples règles de réciprocité du droit et d’égalité de traitement, les cas semblables doivent être traités de façon semblable. Qui prône l’intolérance à l’égard d’un individu ou d’une population ne peut s’étonner ensuite que l’on en fasse de même à son sujet, puisqu’il s’agirait simplement là d’obéir aux mêmes principes que ceux qu’il souhaite voir promulgués.
- Les tolérants ont-ils le droit de ne pas tolérer les intolérants ? Il n’y donc a pas de pincettes à prendre lorsque quelqu’un est reconnu comme intolérant. Quand bien même il souffrirait de moults chagrins, il ne pourrait prétendre à consolation. Les tolérants sont en effet tout à fait fondés d’exclure l’intolérant lorsque, selon John Rawls, son existence devient une menace pour les tolérants, ainsi que l’on pouvait déjà le déduire depuis le « paradoxe de la tolérance » de Popper.
- Les tolérants ayant ce droit, dans quels cas en user ? C’est ici que l’on butte sur une nouvelle difficulté. Tant que la liberté, la société, la démocratie, la justice ne sont pas en danger, c’est un devoir de préserver une tolérance intacte, sans limites, et de laisser de la place même aux intolérants. « Quand ceux qui sont tolérants croient sincèrement et avec de bonnes raisons que leur propre sécurité et celle des institutions de la liberté sont en danger », en revanche, no pasarán, et écrasons l’infâme.
La balle est donc dans le camp des tolérants. Ce sont eux, et personne d’autre, qui possèdent la pleine liberté d’exclure, ou pas, un individu de leur communauté, en ayant recours aux organes de décision usuels : inutile d’écouter les plates jérémiades du coupable qui feint de n’être qu’accusé. Le peuple des tolérants est souverain, et ses représentants possèdent le pouvoir légitime de faire taire celui qu’ils jugent menaçant pour la société.
La question de droit étant tranchée, reste alors à déterminer la question de fait. Les quenelles sont-elles vraiment à ce point indigestes pour que les tolérants les recrachent ? Il nous faudra pour cela les accommoder à la sauce sado-freudienne pour un prochain repas, qui déjà mijote dans nos marmites.
20 janvier 2014 à 18:17 Goldodo[Citer] [Répondre]
Bah… Sionistes !
11 novembre 2014 à 20:51 G Aristides[Citer] [Répondre]
Pourquoi vouloir appliquer une logique binaire à une situation qui ne l’est pas ? N’y a t’il pas d’autre types de logique à disposition ?
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Pourquoi ignorer les contextes dans lesquelles l’affaire Dieudonné arrive ?
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Dieudonné est-il intolérant ?
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Êtes vous sur d’utiliser les termes adéquats ?
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Ne pensez vous pas que Netanyahu et Lieberman sont des exemples purs de gens tolérants ?
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Ne pensez vous pas que ils sont aussi les pauvres victimes des attitudes racistes et agressives de gens tels que les palestiniens de Gaza ?
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Croyez vous qu’il n’y a des fanatiques que d’un seul côté ?
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Et au fait, de quel côté compte-t-on plus de victimes ?
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Ne pensez vous que certains « analyses » sont plutôt des caricatures grossières ?
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Ne pensez vous pas que c’est cela même qui fait le lit d’un antisémitisme qui se drape de justice ?
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Par fois je me dis qu’il vaut mieux un bon ennemi que certains « amis ».
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Palestine n’est pas la terre promise.
4 décembre 2014 à 18:19 Beboper[Citer] [Répondre]
Si je puis me permettre, le point 2 de la Théorie de la justice me semble douteux, et me rappelle la parole d’un certain Jésus Christ : quel mérite y a-t-il à aimer ses amis? Nos ennemis aussi, aiment leurs amis. Les méchants aiment leurs amis. Un chrétien qui se réclame de la charité devra aimer ses ennemis aussi, et en cela, se distinguera de ses ennemis, ces fils de putes (c’est moi qui rajoute).
Ainsi tolérer les gens qui partagent les même valeurs que nous ressemble fort à tolérer ce qu’il n’y a aucun mérite à tolérer. Vous le direz que la loi ne cherche pas le mérite; je répondrai qu’elle cherche la vertu et, en l’occurrence, en manque.
En passant, ça rappelle une certaine gauche qui, après avoir vanté le droit à la différence et les charmes d’une immigration de plein droit, vota une loi pour interdire le voile : j’accepte les différences mais, quand on arrête de faire semblant et qu’on me met vraiment de la différence sous le nez, c’est niet ! Le couscous, oui; la burka, non! La force de cette tolérance-là…
D’un autre côté, sur le sujet du billet (Dieudonné et son affaire), la question de la tolérance est-elle la bonne? Dieudonné n’est pas accusé d’être intolérant, il est accusé d’être antisémite.
Tous les intolérants ne sont pas antisémites, et tous les antisémites ne sont pas intolérants !(je m’y perds un peu) Ses ennemis ne reprochent pas à la quenelle d’être intolérante, mais de ne viser que les fions sémites, nuance.
La question que l’honnête homme doit se poser, selon moi, est donc celle-ci : la quenelle vise-t-elle les puissants, ou vise-t-elle les Juifs?
5 décembre 2014 à 16:35 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Cher Beboper, merci pour ces commentaires.
Mais il me semble que Rawls est plus nuancé. C’est un devoir de tolérer l’autre, tant qu’il ne constitue pas une menace pour la démocratie. On doit accepter même les ennemis de la démocratie, tant que leur présence n’est en rien un danger. Une poignée d’hitlériens ici, une autre de salafistes, une pincée de révolutionnaires rouges, cela est acceptable, tolérable, pour autant que la société qui autorise ces expressions ne vacille pas du fait de ces existences. En revanche, il est un seuil au-delà duquel il faut que tous ferment leur gueule, lorsque leur existence fait vraiment trembler.
Je reconnais cependant que déterminer ce seuil avec précision est une épineuse question. Est-ce lors des premières insultes ? premières menaces ? premières gouttes de sang ? Compte tenu de cette difficulté, la réponse de Rawls peut effectivement paraître décevante.
Sur l’autre point soulevé, la proposition « tous les intolérants ne sont pas antisémites » me paraît juste, puisqu’on trouve, par exemple, des juifs intolérants. En revanche, que l’on puisse trouver des antisémites qui ne soient pas intolérants me paraît plus compliqué, puisque, à première vue, ils le sont au moins avec les Juifs. Ou alors l’antisémite tolérant est-il quelqu’un qui hait abominablement les Juifs, mais qui, dans le même temps, accepte pleinement leur existence ? Je déteste ainsi les champignons, mais je me battrai jusqu’au bout pour qu’il en existe tout de même.
Il faudrait voir si le dieudonno-soralisme entre dans cette curieuse catégorie oxymorique, de l’antisémite au grand cœur. Cela rendrait effectivement vain le fait de l’attaquer sur la question de la tolérance.
Mais quoi qu’il faudrait faire une distinction entre antisémitisme et judéophobie. À ne s’en tenir qu’à la stricte étymologie, le judéophobe nourrit une peur du judaïsme, peut-être une sorte de dégoût, mais celle-ci ne prend pas encore la forme d’une action visant à éradiquer la cause de cette peur. L’antisémite en revanche, a pour projet premier de lutter contre les Juifs ; sans doute l’antisémitisme suppose-t-il la judéophobie. Mais pas toujours, dégoût et destruction n’étant pas toujours corrélés : on peut vouloir défendre les Juifs tout en les détestant (ce qui serait la tolérance) ; mais on peut aussi vouloir détruire les Juifs tout en les appréciant (je ne trouve pas encore de mot pour désigner cela).
Dieudonné est-il judéophobe, ou bien antisémite ? Il m’est avis que les deux sont indiscernables. Si bien que si Dieudonné est certes attaquable sur d’autres points que celui de la tolérance, il l’est aussi sur ce point.
Pour finir sur le dernier point, effectivement, on pourrait considérer la quenelle comme un acte acceptable s’il visait à l’universalité au lieu de ne s’en tenir qu’aux seuls Juifs. Ou si elles s’en prenaient aux puissants. Mais cela que cela est dérangeant : pour ceux qui en usent, c’est déjà le cas, puisque les Juifs sont les puissants. Le problème est que les puissants des uns ne sont pas les puissants des autres…
6 décembre 2014 à 0:45 Beboper[Citer] [Répondre]
Hum, m’est avis qu’il vaut mieux passer à autre chose : ces questions sont trop alambiquées et nous alambiquons fatalement dans le vide. Du reste, les Juifs comme les antisémites ne semblent pas se préoccuper de peser ainsi le pour et le contre, ils jouent chacun leur rôle comme à la parade, à ce qu’il semble.
La question de la tolérance me paraît plus intéressante. Si les intolérants menacent la démocratie par le fait même qu’ils sont intolérants, on a l’impression que la démocratie tolérante est un régime qui ne peut survivre qu’en trahissant ses principes. Autrement dit, elle se trouve dans le même cas que les régimes qu’elle critique, et surtout qu’elle méprise (car en effet, rien n’est plus satisfait de sa propre perfection qu’un démocrate tolérant, d’où le mépris pour toute autre forme de gouvernement).
La tolérance est donc un principe qui se présente comme parfait, efficace, pragmatique, mais qui doit sa survie à l’abandon de ces qualités quand on le menace.
J’étais dans la presqu’île de Lyon samedi dernier : état de siège. Des CRS barraient chaque pont, des engins blindés circulaient entre les badauds. Motif : le FN avait son congrès non loin de là et des militants dits d’extrême gauche n’étaient pas d’accord. Le préfet craignait la casse, comme cela s’était vu ailleurs les semaines précédentes. Dans cette affaire, je ne demanderai pas qui est tolérant et qui ne l’est pas, ce serait trop simple. La bonne question me semble plutôt être : jusqu’où faut-il tolérer ? Et si quelqu’un a le culot de prétendre répondre à cette question, je lui poserai celle-ci : au nom de quoi faudrait-il te faire confiance ?
6 décembre 2014 à 10:27 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
C’est tout le dilemme de la démocratie : fondée sur le respect de la liberté de chacun, elle s’interroge toujours si elle doit laisser cette même liberté à ses ennemis.
Il y a un petit livre de Pascal Bruckner, La mélancolie démocratique, qui tente d’aborder cette question. Mon souvenir (vieux de 10 ans – ciel !) est qu’il arrive à une position semblable à celle de Rawls. La liberté, oui, mais pas pour les méchants.
Mais, effectivement, cela laisse totalement ouverte la question : qui est vraiment méchant ?
8 décembre 2014 à 13:27 Luccio[Citer] [Répondre]
Moi, et moi-même, nous sommes flattés que Beboper vienne donner ses avis sur Morbleu, fusent-il absurdes au point d’oser remettre en cause la saine raison, la raison gnorousienne !
8 décembre 2014 à 20:52 Beboper[Citer] [Répondre]
Je n’aurais pas cette insolence ! Loin de moi cette audace ! Non, simplement, cette histoire de tolérance présentée comme un principe fondamental de nos sociétés mais qui ne fonctionne qu’entre gens tolérants, ça me rappelle le gars de la météo qui vient t’annoncer le temps qu’il a fait hier…
En réalité, si l’on dit pas de tolérance pour les ennemis de la tolérance, on dit pas de liberté pour les ennemis de la liberté, pas d’égalité pour les ennemis de l’égalité, pas de pognon pour les ennemis des riches, pas d’autoroutes payantes pour ceux qui prennent les départementales, pas de vacances payées pour ceux qui aiment travailler, pas de travail pour les glandeurs, etc. Super démocratie au final…
Comme tout système, comme tout organisme, la démocratie vise à sa sauvegarde, à sa perpétuation. Rien de choquant à cela. Mais je trouve un peu fort qu’elle prétende le faire avec des moyens démocratiques quand ce n’en sont pas. C’est tout. Qu’on cesse de laisser s’exprimer les Méchants, qu’on les enferme pour leurs opinions, pourquoi pas, mais qu’on arrête de prétendre nous faire croire qu’il ne s’agit pas là de procédés de nature dictatoriale.
9 décembre 2014 à 15:00 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Encore une fois, je ne vois là aucune difficulté. La science elle-même, supposée rationnelle, déductive et critique d’elle-même, repose sur une adhésion irrationnelle, illogique et dogmatique quant à ses fondements. La science nage dans du non scientifique ; la démocratie dans du non démocratique.
9 décembre 2014 à 15:02 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Mais effectivement, tant les démocrates que les scientifiques gagneraient à être moins hypocrites dans leurs discours.
9 décembre 2014 à 18:24 Luccio[Citer] [Répondre]
Alors, pour les futurs historiens, je tiens à dire que malgré mon immense sympathie pour Beboper et ses écrits, je suis du côté d’Oscar. Du coup je vais parler lontemps.
1) La violence et le pouvoir
En effet, la démocratie est un régime politique, et donc un régime chargé de réguler la violence intrinsèque à tous rapports humains (et quand les rapports ne sont pas violents, les gars sont souvent à manger du symbole contre leurs embryons de désirs ; à subir la violence sans trop le savoir ; comme nous). L’idéal, pour suivre un concept de Hannah Arendt, c’est de transformer la violence en pouvoir ; transformer la capacité à détruire les autres en concert de confrontations (concertation). Le tyran est celui qui joue la violence des canons et de la milice contre le pouvoir. La démocratie, c’est un régime du pouvoir : qui s’oppose d’abord aux violences intolérantes et intolérables.
Vient ensuite le problèmes des intolérants : ceux dont le discours seul est violent, mais dont les actes sont inoffensifs. Deux arguments existent pour les attaquer : la menace ou la corruption.
2) La menace.
C’est l’argument d’Oscar analysé ici. Et face à la menace, le juste-milieu semble inatteignable. Face au possible, l’adéquat n’est pas, c’est l’excès ou au défaut : museler ou laisser-dire (ou faire) l’intolérable, le maccarthysme ou Munich, loi Gayssot ou quenelle. Machiavel eut recommandé la muselière, par pragmatisme et amour de la paix.
Cependant, la muselière, c’est écarter du discours et de la communauté une classe, et passer pour la dictature du plus grand nombre sur la minorité (voire d’une élite sur la majorité silencieuse et la minorité oppressée). Mais comme le remarque Oscar, c’était aux intolérants de commencer moins violent. Le seul indice de la démocratie est alors son scrupule, et la douceur de la répression. On peut encore critiquer la loi Gayssot.
Regrettons toutefois que le dirigeant n’avoue pas agir « du mieux possible », et non « pour le bien ». Mais cela pourrait arriver un jour, ça arrive même des fois.
(certes Le maquillage de notre temps, pour le démocrate ou l’apprenti-tyran, est la dureté ou la flatterie, pourvu que ça tienne en 140 caractères — une information facilement reproductible, et capable d’inonder le marché)
3) La Corruption.
C’est ce qui arrive au langage chez les intolérants. Il cesse d’être pacifiant, créateur de consensus, humour. Il devient guerrier, ostracisant, simple geste.
Incapable de dire de facétie temporelle, de mise en scène de soi, ou même de dire « Dans l’cul ! », le bourrin se signale à ses congénères et ennemis par un geste. Ca lui suffit. Il faut lire « Les principes de la novlangue » dans le 1984 de Orwell. Y’a quenelle et pas-quenelle (« inquenelle » en novlangue). Voilà.
Les types ne sont ni antisémites ni antiracistes, car ils n’en ont jamais vus ; ils ne doivent pas même savoir ce qu’est haïr quelqu’un. La haine, c’est personnalisé. La peur, ça ok, c’est général, mais pas la peine. Au pire on tient des phobies. Seules les plus monstrueux apprennent en faisant, mais sans savoir vraiment qui, et torturent plus qu’ils ne haïssent.
Face à cette corruption de l’élément nécessaire à la vie intelligente en société, le démocrate, ou l’homme élégant, est triste. Que lui reste-il à faire ?
4) La panique morale
Soit il tombe en état de panique morale (Ruwen Ogien®) : faites-les taire tous. Mais ce n’est guère raisonnable ; il risque de passer pour le membre d’une classe dominante fière d’une pratique du langage sans violence dans la mesure même où cette non-violence lui permet d’oppresser les autres, car la violence du langage étant quasi la seule à empêcher les violences sociales ou physiques.
Soit il ne reste qu’à user du langage comme il se doit. En disant sa vérité.
5) Vérite sur le quenelleur
Le quenelleur n’est pas anti-système, il est un futur collaborateur, pour l’instant dans ce qu’il croit être le mauvais camp. Et celui qui y voit un salut nazi est du même bois. Tous deux sont de l’étoffe dont on fait les héros.
6) Particularité de l’humour
Le cas de Dieudonné est un peu plus compliqué que celui des propos intolérants. Il s’agit aussi de propos humoristiques. Or l’humour, la violence et les limites ; normalement c’est différent.
On peut ainsi regretter les décisions administratives. Justifiée ou paniquées, d’autres ont commenté. Mais gardons-nous de l’excès violent de la démocratie qu’est l’ostrascisme. Restons démocrates, et parlons aux antisionistes (si on en croise, faut pas aller les emmerder exprès).
Préférons la critique démocratique ; non au nom de la vérité (c’est l’oppression), mais au nom de l’opinion convaincu. Ayons des opinions convaincues et laissons parlé. Le bon champs pour cela est l’esthétique.
Mais l’esthétique, lieu privilégié du discours violent, est aussi celui de la panique morale et du politiquement correct. On n’a pas vraiment le droit que l’art est fait pour être beau (même sans critiquer la société), qu’un plug annal je savais pas ce que c’était avant qu’on en expose un gonflable et géant, ou que, non, Dieudonné n’est pas un grand humoriste.
Dieudonné dit faire de l’humour, suivons-le sur ce terrain ; maintenant qu’il a un parti politique, ne doutons plus qu’il tiendra ses meetings en dehors de ses spectacles.
Ainsi Dieudonné est drôle, mais c’est loin d’être le type le plus drôle de France. Au mieux, c’est un bon comique. Par exemple, rire sur scène pour marquer la blague ou l’ironie, c’est naze. Ne pas pouvoir s’empêcher d’identifier un coupable (les médecins inhumains) dans un morceau assez touchant sur la maladie (le cancer), c’est tout à fait humain, mais un peu dommage. Navré de ne pas avoir d’autres arguments, je ne me force pas quand le plat (ou le prêtre) ne me plaît pas.
Et bien, c’était long. Je vais manger.
9 décembre 2014 à 18:47 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Tu savais vraiment pas ce qu’était un plug anal ?
9 décembre 2014 à 19:47 Luccio[Citer] [Répondre]
J’étais et demeure un petit garçon très sage.
10 décembre 2014 à 9:16 Beboper[Citer] [Répondre]
10 décembre 2014 à 9:17 Beboper[Citer] [Répondre]
Nous sommes donc d’accord…
10 décembre 2014 à 9:47 Beboper[Citer] [Répondre]
Luccio,
Luccio, je ne te suivrai pas sur le terrain des négationsites et de la loi Gayssot, car je n’ai pas envie de donner l’impression que je défends ces gens-là. Je peux juste remarquer en passant que la loi gayssot les emmerde sûrement, mais qu’elle emmerde aussi tous ceux qui veulent faire une recherche honnête sur ces questions. Nombre d’historiens ont d’ailleurs publiquement protesté contre son existence (quoique certains, parmi les plus extrémistes, affirment que la loi Gayssot n’a jamais existé!)
Quand tu dis qu’on peut encore « critiquer la loi Gayssot », tu me rappelles le célèbre adage : la dictature, c’est ferme ta gueule; la démocratie, c’est cause toujours…
Quoi qu’il en soit, je crois que nous pouvons espérer une motion commune à l’issue de ce symposium. Elle pourrait convenir qu’en tout système existe heureusement une limite et que le point délicat consiste en l’établissement de cette limite : qui décide, quoi, contre qui ?
Elle pourrait souligner le caractère délicat de cet exercice en prenant un exemple très récent, issu du maelström de l’actualité : faut-il interdire Tintin? Certains y voient du racisme, de l’antisémitisme et du sexisme. Ce point est exemplaire : Tintin est accusé d’antisémitisme parce qu’il y a trop de Juifs dans ses personnages, et de sexisme parce qu’il n’y a pas assez de femmes ! La tolérance peut-elle tolérer un tel flou ?
Il y a quelques années, on se plaignait ici ou là que les méchants dans les films hollywoodiens étaient des personnages de Français. Il faut pourtant bien que les méchants aient une nationalité : pourquoi pas française ? Pourquoi le méchant Turc ne nous choque pas, ni le méchant Hongrois, ni le Bolivien, mais le Français oui ? Qui fixe la limite, et contre qui ?
Ainsi, cette motion marquerait sûrement l’accord des parties sur les points d’évidence, qui sont plus souvent des questions que des affirmations. Elle affirmerait cependant que l’excellence du système démocratique est avérée, en l’absence de moyens pour établir un système encore meilleur.
Elle ferait enfin la part belle à la lucidité des débatteurs en concluant par l’exergue suivante : « Lorsque le tyran n’est autre que la loi anonyme, le moderne se croit libre ».
10 décembre 2014 à 14:17 Luccio[Citer] [Répondre]
Plus que la mention, ce qui m’importe, ce sont les nombreuses fautes du message 11. Je n’ai pas le droit de les corriger. Diantre !