Alexandre SoljenitsyneAlexandre Soljenitsyne s’est enfui pour la dernière fois du goulag à 89 ans ce 3 août 2008. Le monde entier salue cet homme courageux, prix Nobel de littérature, le premier à avoir dénoncé les horreurs du stalinisme dans ses ouvrages, notamment L’Archipel du Goulag, une des principales sources des historiens du Livre noir du communisme.

Condamné au goulag pour huit ans en 1945 pour avoir critiqué dans une lettre à un ami la politique militaire de Staline, il s’exilera en 1974 à Mont Vermont aux États-Unis – la même ville que George Washington – après avoir été déchu de sa nationalité russe et dont il ne reviendra qu’en 1994 peu après la perestroïka.

Honni par Staline, sa réhabilitation débute, dans une certaine mesure, dès Khrouchtchev qui l’autorise à publier en 1962 Une journée d’Ivan Denissovitch même si encore nombre de ses oeuvres ne sortent que clandestinement (en samizdat), tel Le Pavillon des cancéreux ou Le premier cercle. Car la situation se dégradera rapidement, en témoigne son expulsion faisant suite à la publication non autorisée de L’Archipel du Goulag à Paris.

Cette semi-clandestinité des écrits de Soljenitsyne contribue à rendre ses écrits encore plus populaires en Occident desquels les écrivains anti-totalitaires s’abreuvent. En France, les « nouveaux philosophes » – BHL, Glucksmann & Co. – le célèbrent. Aujourd’hui, même la Russie l’a élevé au rang d’icône. En 2007, Poutine lui avait déjà décerné le Prix de d’État Russe. Aujourd’hui, le « président » Dmitri Medvedev exprime ses condoléances, ce qui prouve que la Russie contemporaine tente de se construire en opposition au stalinisme.

Soljenitsyne leur rendait bien – tout du moins en ce qui concerne les dirigeants russes. Il fut un temps reconnaissant à Vladimir Poutine d’avoir œuvré à « une Russie forte et fière d’elle-même » mais s’en est vite détaché, notamment en raison de la question tchétchène sur laquelle il était en désaccord.

Quant à l’Occident, il n’en avait cure. Les NP (« Nouveaux Philosophes »), avec leur pensée simplificatrice et dichotomique, eurent tôt fait d’en faire un partisan de la démocratie. Or, que Soljenitsyne fut opposé au stalinisme n’impliquait pas qu’il fut démocrate. Loin de là. Comme l’écrit Moshe Lewin, bien qu’anti-communiste, Soljenitsyne restait un partisan de l’autoritarisme, notamment en raison de son attachement à la foi orthodoxe. En 1978, il fulminait dans un discours qu’il tint à Harvard contre cet Occident où la liberté était devenu licence, où le « sens de la responsabilité de l’homme envers Dieu et la société s’était affaibli. » Il nourrissait qui plus est un antisémitisme décomplexé qui trouva son apogée dans l’un de ses derniers ouvrages, Deux siècles ensemble, devant retracer les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995.

Méfions-nous donc des dissidents trop vite propulsés champions de la liberté. Déjà avec Sakharov, Popper avait recommandé, avec raison, la prudence. Il convient de garder la même circonspection quant à Soljenitsyne.

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