Le castrateur Lefebvre
« Ne doit-on pas enfin décider la mise en oeuvre de la castration chimique pour ce type d’individu ? »
Frédéric Lefebvre, « Joggeuse: Frédéric Lefebvre réclame la « castration chimique » », Libération.fr
Mais faites-le taire ! Si seulement il existait un moyen comparable à la douceur de la castration chimique qui puisse le rendre aphone… Hélas ! je crois qu’il ne nous reste qu’à nous boucher les oreilles.
Passons sur la théorie socio-anthropo-bio-neuro-psychlogique implicite contenue dans cette proposition qui ferait qu’un crime sexuel (mais nul doute qu’en bon phrénologue, Lefebvre serait capable de trouver une bosse pour tout crime, un organe spécifique qu’il faudrait châtier pour chaque type de méfait : avec le dépistage de la délinquance au berceau, on en prend le chemin) n’existerait qu’en vertu d’une paire de couilles trop bien accrochée là où l’on sait – qui exclut donc que ce type de crime puisse être commis par quelqu’un qui en est dépourvu, c’est-à-dire à peu près la moitié de l’humanité (sachant que l’on ne saurait pas trop quoi faire des abominables queers qui auraient violé).
Passons sur cette autre idée contenue en germe, qui nous fait revenir au temps des supplices, où c’est le corps qui devait payer pour un crime, où c’est la chair qui devait souffrir pour amender le coupable, où l’on s’écarte de tous les principes de la pénalité moderne (aussi critiquable et critiquée soit-elle, cf. Foucault, Surveiller et Punir).
Concentrons-nous sur l’effet, qui est l’essentiel, et qui est cette idée marketing :
Parlez de moi en bien ou en mal, peu importe : l’essentiel est qu’on parle de moi.
Festina n’a jamais vendu autant de montres qu’en 1998, lors de la fameuse affaire qui aurait pourtant dû salir la marque. Même principe avec cette couillonade (que l’on entendra comme : « tout propos se référant aux testicules ») : Lefebvre parvient à occuper l’espace médiatique. Il arrive même, Ô exploit !, à faire disserter les plus talentueux blogueurs à son sujet, lesquels, croyez-moi, ont bien d’autres choses à faire.
Très difficile de parer cette rhétorique. Critiquez-la : vous entrez dans son jeu, puisque vous parlez du Monsieur, et que c’est cela qu’il souhaite. Paradoxe : toute personne lisant ce présent texte est coupable de lefebvrisme. Ne le lisez pas. N’en parlez pas. Oubliez-le.
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2 octobre 2009 à 10:06 corto74[Citer] [Répondre]
« à faire disserter les plus talentueux blogueurs à son sujet, lesquels, croyez-moi, ont bien d’autres choses à faire »
Ne seriez vous point talentueux pour faire un si long billet sur Lefevre et perdre autant de temps…
On peut le déplorer, mais Lefevre remplit parafaitement son rôle; c’est un agitateur d’idées, souvent débiles ou maladroites, mais son omni présence médiatique capte l’attention sur lui… vous me suivez?
2 octobre 2009 à 14:42 Gnouros[Citer] [Répondre]
Vous soulevez, je crois, un point important. Quiconque d’autre tiendrait de pareils propos, on y prêterait pas attention : j’en connais beaucoup dans le Café du coin que l’on écoute attentivement le temps de quelques secondes, pour oublier aussitôt ce qu’il fut dit.
Ici, au contraire, on s’attarde sur ce que dit le Monsieur, alors que d’un point de vue logique, l’énoncé n’est pas plus vrai ou plus faux en fonction de qui l’énonce.
Pourquoi ? Parce que d’un point de vue non plus logique mais pragmatique, en fonction de la place occupée dans la société par l’énonciateur, cela confère plus ou moins de poids à la proposition. (c’est une mécanique semblable à l’argument d’autorité.)
Ce qui a pour conséquence qu’une même couillonade, alors qu’elle est ni plus vrai ni plus fausse, possède plus de force lorsque c’est le Monsieur qui le dit que quand c’est un autre.
En somme, cela signifierait que ce n’est pas parce que le Monsieur dit des couillonades qu’il est là où il est, mais que c’est parce qu’il est là où il est qu’il peut en dire, et que cela interpelle les talentueux blogueurs.
Il semble qu’il faille donc distinguer entre deux niveaux : celui où l’on est à un niveau semblable au Monsieur dans la société, où l’on occupe un rôle qui fait que chaque couillonade a un effet publicitaire ; et celui où l’on est à un niveau bien inférieur, et où la couillonade n’a peut-être pas cet effet, mais fait plutôt passer purement et simplement pour un couillon (ce qui, pour quelqu’un qui souhaite les couper chimiquement aux autres, est tout de même un comble, puisque ça équivaut presque à un suicide).
Faites ouvrir sa gueule à quelqu’un considéré comme un couillon à son petit niveau lorsque celui-ci est à un haut niveau, et il y a des chances (car je ne pense pas non plus que ce soit automatique : il y faut du charisme et peut-être les cheveux longs) que cela passe pour autre chose : subversion, impertinence, esprit libre ou libre esprit.
(C’est pourquoi je pense avoir toutes les chances de passer pour un génie si on me met au plus haut niveau.)
Reste que pour ce motif au moins, la critique du lefebvrisme possède peut-être sa légitimité. Comme le disait Euripide :