Houria BouteldjaLa journée je m’énerve, le ciel est beau et je regarde des vidéos inutiles, bon après c’est vrai que je me calme et vais me balader, faire mes courses. La nuit, je divague, j’écoute de la musique et je pense à Romain Gary. D’accord, en fait c’est que ce soir, mais j’ai dû interrompre l’excellente Lonesome Piéton de Philippe Léotard pour me taper une vidéo qui m’a amusée ce matin.


En effet, au bout d’une minute et vingt seconde, on peut y entendre cette merveilleuse sentence : « Je crois que la meilleure manière de lutter contre l’antisémitisme, c’est de lutter contre le sionisme ». Note: Taddeï sait y faire, les invités de l’émission donnent de quoi réfléchir à propos de cette sage maxime. Alors pourquoi m’éloigner d’une merveille pour commenter ce que je pense être une bêtise à laquelle on a déjà répondu ? Parce que j’aime les blagues et réfléchir. Faites-vous votre avis tout seul, ou faites comme d’habitude, cherchez à justifier le votre en n’écoutant que les intervenants qui vous plaisent, mais amusons-nous ensemble.

En effet, grâce à ce sage propos, on se rend compte que les Nazis étaient vraiment des salauds. Déjà je l’avais bien vu dans Indiana Jones, ils ont complètement corrompu la belle Elsa. Mais pire, et la vérité me saute maintenant aux yeux, ces salauds étaient antisémites avant la création de l’état d’Israël, faut quand même le faire. Pourtant je me rappelle de cette autre sentence, d’un sujet, qui était bien mauvais, mais qui s’est repenti, « antisémite : ce mot me fait de plus en plus horreur. Hitler l’a déshonoré à jamais ». Il faut croire que Bernanos était un agent du sionisme, comme Obama ou le monsieur-qui-se-plaint-de-faire-un-travail-de-dirigeant-difficile-qu’il-saura-affronter-dignement-pas-comme-Jacques-Chirac (Pardon, je suis pour quelques temps en Allemagne, j’ai la maladie des mots à rallonge, et ma défiance envers celui qu’un crétin de rouqmoute prétentieux mais qui a le sens de la formule que le sympathique Dany le Rouge a appelé « le dirigeant de l’entreprise France » a elle aussi grandi).

Me voilà donc avec deux problèmes, comprendre qu’il y ait eu un antisémitisme avant la création de l’Etat d’Israël ou comprendre quel peut être le rapport nouveau entre antisémitisme et sionisme. Tentons une approche.

Je pourrais dire que les Juifs n’ont jamais été capables d’être intégrés quelque part, mais il me semble que Soral a été condamné pour un truc du genre, c’est dangereux, encore que moi, mon pseudo me protègerait. Pourtant ça serait une bonne interprétation systématique, Israël serait une sorte d’intensité de la casse-couillerie juive. Les Juifs, enfin du moins certains, pas tous -il s’agit de bien manier la rhétorique du procès, le « du moins certains, pas tous » et ses cousins sont pour ça fabuleux- bref ces salauds, sont insupportables, et encore plus sur le territoire palestinien. Il ne resterait plus qu’à leur donner une leçon d’humilité, donc à lutter (pacifiquement) contre le sionisme, alors ils deviendraient des gens policés, il n’y aurait donc plus d’antisémitisme. Logique non ? (Note pour moi-même: en plus ça explique bien ce que disait Bernanos, il croyait tout simplement que les Juifs avaient compris la leçon parce que quand même, ah… qu’il serait déçu devant le comportement fasciste de ce méchant Etat) Allez! plus simplement, je pourrais dire que le Monde évolue et que maintenant c’est unilatéralement qu’ils sont des salauds, quand bien même ils ont pu être unilatéralement des victimes au temps jadis.

En ce moment j’adore l’ironie, et si ce dernier paragraphe en est plutôt teinté (voyez je continue… mise en abime), je suis sûr qu’Oscar Gnouros serait contrarié de me voir m’arrêter ici, lui qui s’acharne à faire de Morbleu un lieu de clarté. D’ailleurs il aurait depuis longtemps sorti son dictionnaire d’étymologie ou cherché l’histoire des mots judéophobe, antisémite et antisioniste, grâce à la superbe boîte à outils de Michel Foucault bien sûr! Pire, cet imbécile s’y connaitrait dans l’histoire du conflit israélo-palestinien (israélo-arabe disent ceux qui sont à fond derrière Israël et qui ne doivent pas concevoir qu’il puisse y avoir un peuple palestinien, ne serait-ce qu’en creux de la politique israélienne, voire de celle de tous les pays du coin -si quelqu’un pouvait me préciser s’il y a aussi un mûr entre l’Egypte et la Palestine ?)

Je vois aussi venir, du moins si je postais sur une vidéo Dailymotion, les « Vous ne voyez pas le complot sioniste ? » ou les « Vous dites vous-même que vous ne connaissez rien au sujet et pourtant vous parlez », avec parfois un peu d’insultes mêlées à ces reproches. Pourtant je dois avouer que le second reproche peut réellement appuyer une critique quand le premier est bête. Pourquoi alors les mélanger ? Parce que je ne parle pas du conflit israélo-palestinien, mais de cette folie qui voit du sionisme partout. J’en viens à me demander quand est-ce que quelqu’un pensera et osera dire que le sionisme c’est la politique qui obéit aux Protocoles des sages de Sion.

Entendons-nous bien, je pense qu‘il y a sans doute un antisionisme mesuré et respectable mais ce mot recouvre bien trop de réalités. Derrière cette sorte de bannière, se placent les plus désaxés (et par là je montre bien que je ne les mets pas forcément dans l’Axis of Evil) qui sont pour que Israël se casse de là, voire aille s’installer vers le Vatican, y’a un peu de place. Mais aussi les plus modérés, ceux qui ne comprennent pas comment un pays peut se vouloir et le garant de la morale dans le coin et aller s’installer là où il y a de l’eau sans vraiment s’occuper de ses frontières. Bref, ceux qui sont prêts à débattre et qui choppent un mot pratique qui désigne bien l’adversaire, la politique expansionniste d’Israël, se retrouvent avec ceux qui sont surtout prêts à débattre du modus operandi pour en finir avec cet Etat de trop sur la carte, ou tout du moins avec la fin de sa prétention à exister, lorsqu’ils ne l’ont pas reconnu (pourtant je suis sûr que les avions qui bombardent des écoles doivent avoir une étoile bleue sur les ailes). [là c’est le passage consensuel où je dis du mal de tout le monde, qu’on ne pense pas que je suis plus impliqué alors que je m’en fous j’essaye de rester impartial].

Ainsi je ne comprends pas pourquoi l’antisionisme est le seul moyen de lutter contre l’antisémitisme, alors qu’à la base il est surtout un mot-concept-moyen de lutter contre la politique israélienne. Plus, je me désespère de le voir utiliser comme base d’une idéologie, ou plus simplement d’un paradigme (j’ai cette impression qu’une idéologie doit de nos jours avoir un grand film en plus d’une doctrine, or je ne connais pas de grand film qui fasse passer le message que les Juifs sont les propres responsables de l’antisémitisme, donc je propose ce terme plus neutre de paradigme). Sans doute saura-t-on m’expliquer ce qu’il en est et ce que je loupe.

Notre critique sur ce texte : si j’ai donné le nom de Bernanos et pas de l’intervenante, Houria Bouteldja (ah merde je viens de le faire), c’est parce qu’elle me semble aussi enfermée dans une idéologie un paradigme que le premier me semblait sortir du sien. Bémol: je n’ai pas lu Bernanos, et l’énonciatrice de la phrase choc a pu changer d’avis. Mieux, elle a peut-être plus de connaissances et d’heures passées à penser sur ce sujet, et pire, je n’ai peut-être pas compris son propos, voire pas écouté. Je m’étonne juste de cette insistance à vouloir parler du conflit israélo-palestinien et à se déclarer antisioniste (et non pas antisémites, ça c’est proprement impensable) quand on dit s’occuper des discriminations. Ensuite, elle est sûrement mieux informée que moi, mais il ne faut jamais oublier qu’il y a des gens qui se collent la main sur l’estomac, un bicorne sur la tête et sont incollables sur la vie de Napoléon, c’est la moindre des politesses quand on est victime d’une manie que d’être un peu informée [là vous venez d’assister au jeu de mot le plus subtil de ce billet, basé sur l »histoire du mot « manie »]. Sinon, sur le titre, il faudrait que je sois capable de démontrer que le Juif représente l’autre absolu dans l’étroite vue des antisémites, mais je n’en suis pas si sûr, et je ne parle pas de ça ici. En revanche je trouvais ça plutôt classe comme titre.

Le web2.0 nous offre ses pires commentaires en utilisant ces mots de « sionisme » et d’ « antisionisme », encore que ceux qui répondent en associant les Musulmans et les terroristes sont bien sympas aussi ; rappelez-vous les gens flippés : un mec qui écrit son dégoût de la politique d’Israël, même s’il est antisémite, ça veut pas forcément dire qu’il est aussi violent, on a le droit d’être con tant qu’on n’est inoffensif. C’est moins pardonnable chez ceux qui prennent publiquement la parole, ce que nous ne faisons, ni vous, ni moi (« le petit chat », ah mince, ça marche pas). Je lance tout de même un appel (derrière ce pseudo qui me dépersonnalise, j’exprime une idée-envie que je veux universelle, bizarre). Cet appel sera sans doute peu lu -malgré la montée en puissance de Morbleu, quel blog! (j’aimais bien le journal Polite)- et encore moins suivi, mais allons. Gens de bonne volonté, renoncez à un mot qui semble désigner si facilement une politique, parce que derrière ceux qui l’utilisent, et par là dans sa définition, se cachent des réalités distinctes, dont certaines sont exécrables. Certes, derrière le mot « kantisme » se cache aussi une réalité complexe, mais il se trouve que le terme « kantiste » -que je néologise pour vous Gens de bonne volonté- ne sert pas à remplacer le mot « juif » chez beaucoup des décérébrés qui peuplent la planète et postent sur Internet.

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