La revendication positive
On oublie trop souvent que Kant voulait castrer les homosexuels − ce fut particulièrement bien théorisé dans La doctrine du droit.
« La fierté sans le mérite, c’est déjà de l’orgueil ».
Tel est le cri de ralliement que je propose – pourvu qu’on en parle.
Il faut râler contre les marches des fiertés. Ce ne sont pas des marches, mais les échoppes d’un marcher de l’exhibition. Chacun peut y trouver le produit X auquel il veut être assimilé et qui lui sert à s’exhiber. Tiens, un vendeur de choucroute et un autre d’humus. Cette année je serai fier d’être un juif allemand, l’inspiration vient en marchant.
On se retrouve alors avec cet étonnant spectacle de gens fiers, fiers de quelque chose qu’ils partagent sans partager d’autre action que de s’être réunis.
(1) Nous pensons tous que nous sommes X (que nous en soyons responsables importe peu)
(2) or nous avons bien fait attention de nous rassembler pour le constater,
(3) ainsi nous (pouvons déclarer que nous) sommes fiers d’être X.
Dès lors qu’on fait de X une qualité essentielle de sa personne et qu’un autre fait de même, naître sous X devient une fierté.
Mais que c’est incohérent ! Voilà pourquoi il faut râler.
Extrait de dialogue :
– Cependant Diogène, lorsque tu affirmes que les gens ont plaisir à s’exhiber et ne choisissent leur motif que dans un second temps, ne parles-tu pas avant ton tour ? Il est en effet fort possible qu’il ne choisissent pas le motif. Un homme qui fréquente assidûment le lit des hommes alors qu’il a les moyens de fréquenter ceux des courtisanes, par exemple, a-t-il vraiment choisi d’être désigné comme « homosexuel » ? Encore moins semble-t-il l’avoir fait pour s’exhiber.
– Tu as raison mon bon Cratyle, c’est même pour cela que les associations préfèrent le mot qu’elles ont choisi, à savoir « gay ».
C’est qu’ils sont rusés les Anciens (les gens de l’Antiquité)1. Les fiertés revendiquées suivent en fait bêtement la honte qu’on voulait infliger.
Il faut alors être fier pour montrer que le noir de la peau et les grosses lèvres rouges ne sont pas une honte pour l’intelligence, que le bon nègre n’est pas un imbécile un brin fainéant, voire que le bon nègre n’existe pas. Derrière un trait X se regroupent les victimes potentiels qui refusent de subir une honte pour laquelle elles n’ont rien fait, et qui revendiquent une fierté pour laquelle elles n’ont rien fait non plus – mais il faut bien le reconnaître, les autres n’avaient qu’à ne pas commencer.
C’est même l’occasion de préciser que le trait X qu’on associe à une honte n’est pas quelque chose qui existe dans la nature mais quelque chose qui n’existe d’abord que dans les yeux des jeteurs d’anathème. Ainsi changer le mot qu’on associe à ce qu’on croit un concept objectif X, c’est déjà changer la signification de ce concept. L’homosexuel tendait à être un déviant, le gay refuse cette tendance et s’affirme comme un membre à part entière de la société2.
L’exhibition et la proclamation d’une fierté ne sont alors que des réactions.
Mais tout de même ! L’origine n’explique pas tout. Et la loi du talion n’est pas une loi. Subir un mot et sa classification n’impose pas d’en infliger un autre (surtout un mot anglais, morbleu !). Il faudrait accepter le hasard d’un mot et se battre à partir de ce hasard : ne pas changer les mots, mais surtout ne pas lutter contre la honte en affirmant la fierté, se battre au niveau des idées sans passer par les mots et les passions, devenir un saint. Pour faire simple, il faudrait être moins militant et plus philosophe. Tout cela, un militant élevé à l’école foucaldienne et à la dénonciation du micro-fascisme ne peut pas le faire, et il a peut-être raison (je paye ici mon tribut à Oscar – mais c’est le minimum syndical, je ne m’embarrasse pas de travailler les subjectivités).
_____________________________
[1] Ce n’est pas la première fois sur Morbleu (Mâtin ! Quel cahier de philologie) sur nous osons mettre en avant des textes antiques peu connus, allez donc voir par là
[2] Alors ceux qui lisent que le gay c’est celui qui est un membre à part entière de la société parce qu’il cesse de fréquenter le lit des hommes (il refuse sa déviance-tendance), ben c’est pas du tout l’idée. Du coup je vous propose un petit laïus qui n’est peut-être pas la vérité historique.
« Homosexuel », c’est un mot qui tend à faire croire qu’il existe des gens qu’on peut regrouper sous un concept objectif : un individu qui couche avec des gens du même sexe. Or certains parmi les gens qu’on classe comme homosexuels refusent de considérer un tel classement comme objectif, ils considèrent que ce classement n’est que le reflet d’une classification psychologico-social moralisante et conservatrice. Alors, pour bien marquer le fait que le mot « homosexuel » déguise un concept arbitraire en concept scientifique, et pour changer le sens du débat vers l’affirmation plutôt que vers la dénonciation d’une sexualité qui ne soit pas du tout du tout tournée vers la procréation, les tapettes les désignés choisissent un autre mot qui sert à désigner les mêmes gens mais de manière moins dogmatique et définitive, le mot « gay ».
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27 juin 2011 à 10:21 Chloé[Citer] [Répondre]
Luccio, je trouve (mais je dis ça en toute amitié) ton article consternant. Il donne l’impression que tu n’as pas cherché à t’interroger sur les raisons réelles que peuvent avoir les gays de manifester, que tu t’es d’emblée décidé pour l’interprétation-zéro : celle qui consiste à rendre compte d’un comportement en invoquant… son absurdité (du moins est-ce par là que tu commences).
1) Tout d’abord, il est étrange de prétendre évaluer la Gay Pride en l’absence de toute référence au contexte de répressions (soutenues par les forces de police), persécutions (meurtres et passages à tabac), désinformation (confusion entretenue entre homosexuels et pédophiles), etc., extrêmement violentes qui expliquent l’apparition des rassemblements gays (1969 aux États-Unis, années 1970 en France) et la constitution d’un mouvement gay, et sans faire référence non plus aux fruits de ces mobilisations – auxquelles l’on doit par exemple la dépénalisation de l’homosexualité en France, en 1982.
On peut bien sûr s’interroger sur le sens qu’à aujourd’hui un rassemblement comme la Gay Pride, mais décider a priori (comme je pense que tu le fais) que c’est vide de sens, en occultant toute référence à l’histoire des mouvements gay, à la situation actuelle des gays, et aux revendications portées par ce rassemblement, me semble tout à fait injuste.
2) Tu confonds “mérite” et “fierté” et tu prêtes au participants de la Gay Pride un syllogisme tout à fait idiot. Tu fais comme si ces gens se réunissaient pour constater qu’ils sont gays et pour constater qu’ils peuvent donc être fiers d’être (= qu’ils ont du mérite à être) gays.
Bref, comme si les participants affirmaient qu’être gay, c’est mieux qu’autre chose. Alors que c’est quand même assez évident, il me semble, que derrière cette “fierté” affirmée, ce qu’il y a (comme tu le suggères par ailleurs, mais curieusement sans considérer que ce soit décisif) c’est bien le refus de l’humiliation et la revendication du droit à exister socialement.
(Remarque : les homos sont réellement les cibles de propos et de conduites homophobes, on n’est pas que dans le “potentiel”.)
3) Sur quoi se fonde ta proposition (elle me semble gratuite et à rebours de la vérité) d’après laquelle les militants gays considéreraient l’homosexualité comme étant une “qualité essentielle” ? (Et même si c’était le cas (ce qu’il faudrait montrer…) comment fais-tu pour voir dans la Gay Pride une expression de cette position ?)
Voilà pour les points qui me consternent le plus. D’autres remarques sur le reste de l’article :
4) Est-il vrai que les gens qui s’affirment “gays” 1) rejettent le terme “homosexuel”, et 2) pour les raisons que tu dis (à savoir que “homosexuel” serait un terme d’exclusion et connoté péjorativement (ce qui m’étonne), alors que “gay” n’aurait pas ces défauts) ?
On peut imaginer d’autres raisons au fait que le terme “gay” soit (s’il l’est, quand il l’est) privilégié par rapport à “homosexuel”, par exemple en allant chercher du côté de la distinction nature/culture (: est-ce que “homosexuel” ne renvoie pas à du biologique là où “gay” renvoie plutôt à du culturel ?)
5) Il me semble que le problème que tu poses l’aurait été plus clairement en opposant “gay” à “pédé” (ou “tapette”), par exemple. Le fait que tu ne poses pas ta question sous cette forme (que tu sembles donc hésiter à affirmer que les gays feraient mieux de s’appeler “pédés”) me fait penser que tu suspectes toi-même que ton idée d’après laquelle
n’a pas de validité générale.
Le problème que tu poses sur la resignification des mots n’admet pas de réponse simple. Parfois, un terme qui servait initialement à exclure et à insulter est retourné par ceux auxquels il était adressé, qui le recontextualisent sur un mode plus positif et l’emploient pour se définir eux-mêmes. C’est ce qui s’est passé avec le terme queer (à l’origine utilisé comme insulte homophobe, il sert aujourd’hui de catégorie d’auto-identification).
Je comprends mal que l’on puisse, dans ce type de débats, prétendre adopter un point de vue prescriptif et décider que que quelque soit la situation, ce que les autres ont de mieux à faire, c’est de changer de signification plutôt que de mots.
6) Enfin, ce n’est pas “au niveau des idées” mais bien sûr dans l’usage (en utilisant les mots) que les mots peuvent resignifier différemment. Cette resignification doit par ailleurs être vue comme constituant (dans un espace social défini par des rapports de force ou de pouvoir) un enjeu important des luttes des groupes minoritaires – y compris (surtout ?) “dans la rue”.
(Autrement dit, une manifestation comme la Gay Pride est susceptible d’avoir précisément vocation à changer le sens de certains mots.)
27 juin 2011 à 13:07 Luccio[Citer] [Répondre]
« Certes ».
Je mets ce court mot et me pencherai sur une réponse dans quelques jours, occupé que je suis par une actualité que tu devines (ça fait un peu « privé » comme propos, que le lecteur m’excuse).
Tschüß
ps : normalement Oscar devrait te rejoindre dans la dénonciation des défauts de mon raisonnement, mais lui aussi est occupé à investir ailleurs sa libido studium (je tente une construction latine sans être initié à cette langue)
12 juillet 2011 à 10:24 Luccio[Citer] [Répondre]
Avec quelques temps de retard et toutes mes excuses
0) Ce truc fait partie d’une série. Et peut-être ne faut-il pas confondre l’accroche, qui correspond à mon étonnement premier, avec le développement.
0-bis) En outre je ne pars pas d’une situation zéro. Etant moi-même un membre et le produit de la société, l’impression première que j’ai par rapport à un phénomène peut bien être autre chose que le produit du hasard. Le phénomène commence par m’apparaître absurde, ou puéril, etc. Ce n’est pas une « interrogation-zéro » mais un « étonnement-un ».
1) Certes il y eut de la répression. Ce à quoi il faut penser vers le faux dialogue. Je parle d’une histoire liée aux mots, mais elle fait signe vers les bastonnades (quoique je ne le pensais pas franchement en écrivant) car c’est implicite au débat et à la réflexion.
En outre, il me semble que bon nombre de combats pour un droit posent ce droit non pas comme un objet [uniquement] historique, mais comme un objet [toujours un peu] transcendant.
(a) Le droit d’être gay prend donc des allures d’évidences.
(b) Or dans la démarche de la Gay pride il s’accompagne de la fierté
(c) Il me semble donc que la fierté d’être gay soit assumée comme une évidence plutôt que comme un combat historique. En tout cas c’est probable pour un bon nombre de participants, dont on peut soupçonner, qu’à l’exemple de beaucoup de leurs contemporains, ils ont la mémoire courte. Analyse qui pourrait échapper à un militant, qui comme tout militant, risque bien d’être gorgé d’histoire (ou d’anecdotes historiques) mais d’oublier que tout le monde n’est pas militant, voire que l’oubli compte beaucoup beaucoup dans la psychologie du péquin.
Je m’aperçois que tout ça c’est bien du faste (voire c’est un peu boiteux) pour confirmer ce que j’ai déjà dit, dsl.
2) Du coup hop j’ai le droit de faire le syllogisme qui explique cet absurde hors-sol que pourrait être la Gay Pride et sa promotion.
Sur fierté et mérite : http://www.morbleu.com/la-fierte-et-le-merite-moral-ou-lon-tente-une-analyse-dinspiration-gnourosienne/
3) Si on rassemble divers individus sous un même mot, on peut parier que c’est parce qu’ils partagent une propriété commune, qu’on les regroupe sous un attribut commun, sous un concept. Ce concept rassembleur est alors, pour les individus en questions :
– ou un attribut accidentel : ces hommes portent un jean
– ou un attribut propre : le rire est le propre de l’homme
– ou un attribut essentiel : l’homme est un animal doué de raison
Or je pense qu’un rassemblement comme la marche des fierté se fait autour d’un attribut jugé essentiel, à savoir l’homosexualité, ou la gayitude — qui est un attribut particulier, car il peut être prononcé de manière négative « ce que vous les autres jugez socialement et sexuellement anormal ». Cet attribut essentiel me semble essentiel à la Gay pride. Et s’il est possible que certains participants, voire des organisateurs, pensent autrement — qu’ils militent contre les jeteurs d’anathèmes et donc contre tous les anathèmes et attributs essentiels — ce n’est en tout cas pas ce que l’événement renvoie.
4) Certes. Il me semble que « homosexuel » renvoie à du biologique mais a été créé pour qualifier du social
5) mais contrairement à « pédé », « homosexuel » a pris une connotation assez neutre.
Et Gay est un mot anglais, et moi ça m’insupporte.
Je pense en outre que changer le mot, c’est violent, et qu’en France Queer est un mot importé. C’est donc une démarche historique, un acte militant, un mot importé, et jamais un changement de signification. Ainsi, de mon petit point de vue, le Queer anglais, si on en croit ton récit, a un peu plus la classe que le Queer de France.
En outre, cette non-agressivité par rapport au vocabulaire fut adoptée par ces grands hommes que furent Descartes et Bacon.
Petit secret : tout ça fait un peu défense des homos à travers un mouvement mondial (guidé par une norme transcendante), au-delà des différences spécifiques à chaque pays. Du coup j’aimerais bien dire que c’est du mondialisme intrusif… mais je ne suis pas exactement convaincu.
6) resignifier avec un mot anglais : vois ci-dessus
C’est marrant, mettre des numéros ça clarifie, mais ça a quand même un côté Somme théologique qui fait un peu flipper.
Il me faut enfin finir en te remerciant d’avoir pris un peu de temps pour lire tout ça, et ne pas me laisser parler comme un fou, c’est-à-dire tout seul.
12 juillet 2011 à 21:03 Gnouros[Citer] [Répondre]
À mon tour de pourrir de commentaires. Je garantis pas que ça réponde au débat qui a déjà été amorcé. Mais bon.
Déjà, là, je vois l’argument : pour pouvoir être fier, il faut mériter ; or, on ne mérite pas (dans le sens moral) d’appartenir à une minorité, car on ne l’a pas choisi mais subi. Donc, y a pas de quoi pavoiser.
Une autre stratégie employée par les minorités peut consister au contraire dans l’appropriation du lexique utilisé par les dominants. Ainsi, les Afro-américains avec les termes Negro, Niggaz, etc.
On peut aussi remarquer que, comme le disait Nietzsche, le langage est en lui-même chargé de morale : le pouvoir de nommer est d’après lui un privilège au départ détenu par la seule race noble.
Y a le concept de « queer » aussi, qui peut être sympa à analyser. Au départ, ça veut dire « bizarre », et désormais, toute personne ne se reconnaissant pas dans les catégories sexuelles dominantes peut se revendiquer comme « queer ».
Anglophobie maurrassienne typique. Mais on n’y peut rien si la liberté vient d’outre-Manche/Atlantique.
Voir ci-dessus sur les Afro-américains. Il y a d’autres exemples. Par exemple, certains se revendiquent comme beurs, indigènes, etc. Voir aussi Gainsbourg qui va chercher lui-même son étoile jaune dans le film de Sfar.
13 juillet 2011 à 14:04 Andreas[Citer] [Répondre]
Utiliser Kant comme outil critique du communautarisme c’est assez intéressant. Néanmoins, je pense que la « fierté » est loin d’être un facteur essentiel. Il suffit s’assister une fois à la gay pride, d’observer les participants, de lire les brochures des associations pour voir que le problème central est celui de l’identité en tant que genre sexuel. Une première chose m’a sauté aux yeux : lors de ces rassemblements, les transsexuels et bisexuels ne sont vraiment pas les bienvenus («Ils jouent pas franc jeu » comme me l’ont dit certains). Installé à un bar, j’ai également été le témoin d’une scène assez pénible : un groupe de lesbiennes se comportant comme des beaufs et misogynes de la pire espèce. Je suis alors tombé sur un flyer avec une liste de réclamations pour la communauté lesbienne. En tête de liste : « Détruire les clichés pornographiques déformant l’homosexualité féminine ». ?! Ce qui est pour le moins curieux, étant donné que ces images ne s’adressent pas aux homosexuelles en particulier. Le problème, c’est que ces « stéréotypes » sont transversaux : bisexualité féminine d’un côté, hétérosexualité masculine de l’autre.
Alors, bien entendu, les « émeutes de Stonewall » font partie de l’histoire de la gay pride. Ce qui n’exclut pas d’étudier l’évolution d’un mouvement revendicatif et contestataire. Or, voilà le changement significatif : pour faire partie de la communauté, il faut suivre une certaine règle du jeu. On peut empiler des codes masculins et féminins au sein d’une même personnalité. Mais l’empilement est justement la seule chose tolérée. Les frontières ne doivent en aucun cas être brouillées. Car il y a des mélanges douteux : ce bisexuel -qui n’est qu’un homosexuel ou hétérosexuel inavoué -, ce transsexuel – qui est une sorte de dégénéré, un « troisième genre » à lui seul-, sans oublier le « queer » mentionné par Gnouros.
Si l’on accepte ces « déviants », alors le sens de la gay pride passe à la trappe : on ne revendique plus pour les homosexuels, mais pour quelque chose d’autre. L’aspect subversif deviendrait, de plus, totalement ridicule. Ce serait comme exhiber une sexualité très réglementée dont on est, par ailleurs, fier. Sans oublier toutes ces questions désagréables qu’on pourrait se poser sur soi-même à partir des comportements que l’on exclut… Bref, identité performative (Judith Butler) codifiée (ce qui inclut, évidemment, des stratégies linguistiques. Je pense notamment à l’emploi actuel du concept de « refoulement ») excluant une critique poussée des catégories (en partie socialement construites) du masculin et du féminin : voilà, à mon avis, la signification actuelle de la gay pride.
14 juillet 2011 à 17:12 Luccio[Citer] [Répondre]
Oscar : bouh t’es vilain.
Chloé : je m’aperçois que je n’ai pas vraiment répondu aux objections, mais au moins on a des positions et ça permet de définir des positions.
Andréas : ordure, tu changerais presque de sujet. Ton point de départ est intéressant. Mais j’ai surtout une requête. Tu es très synthétique, et du coup, j’apprécierais que tu développes un peu 1) ce que tu entends quand tu parles des stéréotypes transversaux, et 2) la fin du texte, à partir de « Si l’on accepte ces « déviants »… ». Dans les deux cas je crois avoir compris, mais je préfère te demander d’éclairer ma lanterne (et je pourrais voir par exemple si l’emploi du conditionnel renvoie à une sorte de non point de vue d’un militant dans un monde où il accepterait les déviants)
15 juillet 2011 à 17:02 Andreas[Citer] [Répondre]
Ah… je pensais que ma petite intervention « hors sujet » allait passer comme une lettre à la poste. Accorde-moi un jour supplémentaire pour répondre à ta requête et commenter de plus près ton article (qui me fait penser à une sorte de Mad Max avec des prêtres bikers).
16 juillet 2011 à 10:43 Luccio[Citer] [Répondre]
Ca pourrait même faire un morbleu. Ton truc est super, mais je suis fatigué ces derniers temps, du coup je m’autorise ce genre de requêtes (alors que d’habitude j’aurais plutôt plongé dans la polémique, par amour du sport)
19 juillet 2011 à 12:12 Andreas[Citer] [Répondre]
Alors, je vais essayer de faire court :
1) Transversal = images ou idées allant au-delà du clivage homosexuel(le) / hétérosexuel(le).
2) « Si l’on accepte ces « déviants »… ». C’est la partie (trop) spéculative du texte qui essaie de poser l’hypothèse de l’homosexualité conçue comme Identité en un sens très large (sexuel, social, culturel etc.). L’hypothèse repose sur l’idée d’une exclusion des positions « subversives » à l’égard des stéréotypes du masculin et du féminin – qui, quoi qu’on en dise, conservent une place importante dans la « gay pride ».
3) A mon avis, la fierté ne fait pas le groupe. Je suis assez vieux jeu… Je retiens trois caractéristiques de la communauté : un ou plusieurs boucs émissaires, des règles d’interaction et une notion de vérité ou d’authenticité (contrairement à ces personnes qui « refoulent » ou qui « ne jouent pas franc jeu » / et puis une communauté ne se réunit pas dans l’idée de faire une simple pièce de théâtre). Par conséquent, ton angle d’attaque pour la critique d’un certain communautarisme n’est peut-être pas le bon….
4) Enfin, à mon sens, ton article possède une dimension mortifère. C’est mon côté « homme de gauche » qui prend la parole. A la base, les homosexuels n’étaient pas simplement confrontés à un problème de morale ou de droit. Ils intériorisaient également les jugements négatifs faits à leur égard. De ce fait, pour apporter un changement significatif à leur situation, une plus grande estime de soi était absolument nécessaire. Il fallait transformer sa faiblesse circonstancielle en fierté. Bref, je pense que ton commentaire sur la fierté condamne un peu la possibilité d’un soulèvement des minorités.
19 juillet 2011 à 12:13 Andreas[Citer] [Répondre]
Alors, je vais essayer de faire court :
1)Transversal = images ou idées allant au-delà du clivage homosexuel(le) / hétérosexuel(le).
2)« Si l’on accepte ces « déviants »… ». C’est la partie (trop) spéculative du texte qui essaie de poser l’hypothèse de l’homosexualité conçue comme Identité en un sens très large (sexuel, social, culturel etc.). L’hypothèse repose sur l’idée d’une exclusion des positions « subversives » à l’égard des stéréotypes du masculin et du féminin – qui, quoi qu’on en dise, conservent une place importante dans la « gay pride ».
3)A mon avis, la fierté ne fait pas le groupe. Je suis assez vieux jeu… Je retiens trois caractéristiques de la communauté : un ou plusieurs boucs émissaires, des règles d’interaction et une notion de vérité ou d’authenticité (contrairement à ces personnes qui « refoulent » ou qui « ne jouent pas franc jeu » / et puis une communauté ne se réunit pas dans l’idée de faire une simple pièce de théâtre). Par conséquent, ton angle d’attaque pour la critique d’un certain communautarisme n’est peut-être pas le bon….
4)Enfin, à mon sens, ton article possède une dimension mortifère. C’est mon côté « homme de gauche » qui prend la parole. A la base, les homosexuels n’étaient pas simplement confrontés à un problème de morale ou de droit. Ils intériorisaient également les jugements négatifs faits à leur égard. De ce fait, pour apporter un changement significatif à leur situation, une plus grande estime de soi était absolument nécessaire. Il fallait transformer sa faiblesse circonstancielle en fierté. Bref, je pense que ton commentaire sur la fierté condamne un peu la possibilité d’un soulèvement des minorités.
20 juillet 2011 à 9:13 Luccio[Citer] [Répondre]
J’aime beaucoup 4. Et le reste c’est vraiment pas mal.
Je pourrais tenter de sauver mon analyse en voyant ces mouvements comme détachés de leur histoire, etc. mais vaut mieux aller de l’avant.
22 juillet 2011 à 15:05 Chloé[Citer] [Répondre]
Je repasse sur la page après quelques semaines d’absence ; comme il ne semble pas y avoir grand chose à ajouter, je réponds juste succintement à ta réponse, surtout en (re-)explicitant deux ou trois choses.
Sur la question de la fierté, que tu présentais comme faisant l’objet d’un constat (ou comme étant posée comme une évidence) : ce que je n’ai peut-être pas dit assez explicitement (en faisant allusion à l’histoire militante et, par ailleurs, en parlant de refus d’humiliation et de revendication à exister) me semble bien exprimé par Andreas (en termes de nécessité subjective et de stratégie de lutte, ce qui évacue la caractérisation trop réductrice (dont dépend, il me semble, dans ton propos, l’interrogation sur la légitimité) en termes de riposte, réaction ou loi du talion).
Je n’avais pas compris que le véritable fond de l’affaire, c’était que « gay » était un mot anglais… Comme tu écrivais
j’ai pensé (mais j’ai compris à présent que ce n’était pas exactement ça) que tu considérais la préférence (que tu poses) pour « gay » par rapport à « homosexuel » comme étant la préférence pour un nom « neutre » par rapport à un nom injurieux, et que tu contestais par principe (« changer de signification, pas de mots ») la pertinence ou la légitimité de ce choix. C’est pourquoi (et du coup, ça t’as peut-être paru étrange) je suggérais qu’en envisageant les choses ainsi, il fallait aller jusqu’à refuser qu’ « homosexuel » ou « gay » concurrencent « pédé, tapette » comme (auto-)appellations.
Ceci dit, tu laisses filer ma réaction (et celle moins explicite de Gnouros) à ton idée (je la formule telle que je l’ai comprise) d’après laquelle c’est dans le débat d’idées que les mots (et notamment les noms) pourraient-devraient changer de signification, et pas par leur usage (social, éventuellement ouvertement militant). Je suppose donc que tu es finalement assez d’accord avec la critique (par ailleurs bien étayée par les divers exemples de noms donnés par Gnouros), et je ne développe donc pas plus ce point.
23 juillet 2011 à 11:21 Luccio[Citer] [Répondre]
Si je laisse filer, c’est qu’il faut encore que je réfléchisse.
3 septembre 2011 à 9:51 Ovide[Citer] [Répondre]
C’est une bonne idée de rédiger trois articles autour d’une thématique commune. Je ne vais pas répéter les commentaires des autres…c’est vrai que l’article est dérangeant par moments mais l’article en lui-même est intéressant et dynamique.
3 septembre 2011 à 12:34 Luccio[Citer] [Répondre]
C’est un artifice que j’emploie lorsque je tends à être un peu bavard