Socrate Jean-Joël Duhot est professeur d’histoire de la philosophie antique à l’Université Lyon III. Il est helléniste et spécialiste de la philosophie antique.

L’ouvrage qu’il signe ici entend présenter Socrate comme l’inventeur de la philosophie. Il se place dans une vision différente de ce qui est généralement présenté : dans l’oeuvre de Platon, celui-ci donne une place beaucoup plus grande au Socrate réel selon lui. Il est en quelque sorte anti-revelien : alors que Revel voit dans les Nuées d’Aristophane la preuve que Socrate n’a pas vraiment été un personnage important de son temps, Duhot utilise cette même oeuvre pour appuyer sa thèse.

De même que l’on serait tentés d’attribuer la naissance du mot philosophe à Pythagore, Duhot l’attribue à Socrate. D’une manière générale, tout ce qui est attribué à Platon ou à d’autres, Duhot l’attribue à Socrate. Alors que l’on présente souvent Socrate comme n’étant que l’inventeur de la dialectique, de la maïeutique, que l’on présente sa morale comme se limitant au « Connais-toi toi-même » et le « Je sais que je ne sais rien », Duhot lui attribue l’essentiel de ce que l’on attribue généralement à Platon, comme la morale telle que « Nul ne fait le mal volontairement » ou « Il est préférable de subit l’injustice plutôt que de la commettre »

Revel soutient que Socrate est avant tout un produit de notre imagination. En effet, on dirait que Duhot a construit un Socrate imaginaire par rapport à tout ce que Platon a pu lui faire dire.

De l’engagement philosophique de Socrate, Duhot distingue comme possible sources la rencontre avec Parménide, l’oracle de Delphe, le fait qu’un oracle ait dit de lui qu’il était le plus sage, de ses errances mystiques. C’est ainsi que Duhot arrive à établir l’enseignement de Socrate, à partir de Platon, de Xénophon et d’Aristophane, mais en évinçant presque complètement l’apport de Platon.

Socrate a toujours eu des périodes mystiques que lui-même n’a jamais défini. Nul ne sait si pendant ces moments-là, son âme se détachait de son corps, ou si autre chose se produisait. Lorsque l’oracle dit que Socrate est le plus sage, Socrate s’empresse de mettre à l’examen le savoir des plus savant que lui, et se rend compte qu’ils ne le sont pas. Lui, ne croyant pas une seule seconde être le plus sage conçoit que finalement, il est le moins ignorant.

En effet, lui sait qu’il ne sait rien. Et pour cause : personne ne peut rien savoir, puisqu’il n’y a de connaissance que divine. On en arrive à pourquoi Socrate n’aimait pas les sophistes : ceux-ci pensent qu’ils peuvent enseigner quelque chose qui ne se transmet pas. La connaissance n’est en effet possible que par une expérience personnelle avec le divin. Lorsque Socrate, par sa dialectique et sa maïeutique guide l’esprit de son élève, c’est pour l’élever jusqu’au divin, ou plutôt pour l’aider à remémorer ce que son âme savait déjà avant que celle-ci viennent se corrompre dans le corps.

Socrate, d’après Duhot, semble avoir été très influencé par Anaxagore. Alors que les autres présocratiques cherchaient le principe arché dans les substances matérielles, Anaxagore dit que ces un esprit qui anime le monde. Socrate s’empare de cette idée et invente le finalisme : le monde est trop parfait pour être tel qu’il est : il y a forcément un Dieu, ce Dieu étant cet esprit, ce logos, ce noûs, qui gouverne le monde. Socrate vient d’inventer le monothéisme.

Dès lors, dès qu’un des dialogues rapportés par Platon se risque à employer une allégorie mythologique, celle-ci ne peut se concevoir sans exégèse, sans herméneutique. Socrate lit dans ces mythes l’idée du monothéisme qu’il a inventé.

Par la suite, Duhot présente le christianisme comme étant l’héritage de Socrate, preuve étant que certains Saints ont réhabilité Socrate.

Néanmoins, dans sa conclusion, Duhot avertit son lecteur qu’il s’est peut être laissé « enchanté », et nous avec, par ce Socrate énigmatique. Socrate nous intrigue, mais finalement, l’intrigue est au coeur même du concept « Socrate » : Socrate nous pousse à nous interroger, aller à sa poursuite, « c’est entrer à son tour dans ce jeu de masques et de miroirs où l’on ne sait plus qui pose les questions mais dans lequel c’est notre histoire que nous voyons s’ébaucher (p 194) » L’image que nous avons de Socrate s’actualise continuellement, et sans doute le portrait que nous dépeint Duhot n’est-il qu’un reflet parmi tant d’autres.

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