Sigmund FreudReconnaissons-le. Question titre et jeux de mots, on aura fait mieux. Mais c’est que je suis fatigué, après ce week end de Pâques passé à vagabonder dans les rues de Vienne, dans le froid, le vent, la pluie, parfois la neige, et même la nuit.

Ce temps. Tout le freudisme est là. Comment ne pas être morose, déprimé, névrosé ? La giboulée est l’autre nom du complexe d’Oedipe. La maison de Sigmund est bien située, non loin de l’Église Votivkirsche. Cette dernière est en travaux, ayant souffert de quelques dommages. L’avenir d’une illusion, n’est-ce pas là un texte dévastateur pour la bigoterie ?

La « Freudhause » est elle aussi meurtrie. Ses chambres sont vides, la voix y résonne et y raisonne, pourrait dire Lacan, tel le surmoi au plus profond de la conscience. Le divan original est parti en Grande Bretagne. De là-bas, sont toutefois revenus le chapeau, la canne, la malle et la couverture qui l’accompagnèrent lors de sa fuite en 1938.

Les Nazis… Ils en auront fait fuir plus d’un. Tous ces génies, partis essaimer l’intelligence ailleurs. Freud, Reich, Popper, Hayek, Gödel, Gombrich, Von Mises, Zweig… Les autres sont allés s’entasser sur la Heldenplatz pour y acclamer Hitler, Goebbels et les autres. Difficile d’imaginer cette si grande place, tristement pleine, au point de ne plus en voir un brin d’herbe.

Non loin de celle-ci, derrière une porte blindée se trouve le trésor impérial. Tout ce que les Habsbourg sont parvenus à accumuler. La couronne de Charlemagne, la bible de Charlemagne (avec lui-même en couverture, gravé dans l’or), l’épée de Charlemagne, le sac à main de Charlemagne. Mais aussi moult reliques, parmi lesquelles les os de pratiquement tous les apôtres. Ou encore, le berceau de l’Aiglon, le fils de Napoléon Ier l’Empereur des Français et de Marie Louise d’Autriche Impératrice des Français.

Cependant, le vrai trésor de Vienne, c’est sa musique. Je ne parle pas de Strauss, de Brahms ou de Beethoven. Encore moins de Haydn ou de Mozart. Mais de ce rythme lent et régulier marqué par les sabots des chevaux et les pas des touristes sur les pavés le long de la Kärtner Straβe. Trois H&M, pas moins, s’y trouvent côte à côte, et encore plus de magasins Rolex et de faux Mozart vendant des places d’opéra, dont certains sont mafieux.

Nul besoin de leur en acheter. On peux facilement en trouver à 2 euros, à condition de rester debout tout le concert. Loin d’être facile, si l’on consomme la gastronomie. Une seule saucisse dans un Würstelstand accompagnée d’une bière suffit à donner du travail à l’estomac pour au moins une année, surtout si ce cocktail se fait suivre du célèbre croissant et de son chocolat.

Mais d’autres liquides tout autant autrichiens que cette bonne bière coulent dans Vienne : l’Almdudler, la Red Bull et l’eau des fontaines publiques qui, paraît-il, provient directement des montagnes les plus hautes et les plus lointaines, garantie sans additifs. Cela dit, la vraie spécialité, plus que tout, reste le cordon-bleu, qui est à un plat fameux, dont j’ai oublié le nom mais pas le goût, ce que la calzone est à la pizza.

C’est que les Viennois ont la passion du pli et des étages. Leurs gâteaux ne sont que des tartes empilées, le tout enrobé d’un brillant sucre glace. Les bâtiments aussi. Otto Wagner (aucun lien de parenté) et les autres sont les pâtissiers de l’architecture. Des Eglises, des théâtres, des opéras, des jardins, des palais, des parlements et même des mairies que l’on avale goulûment, au risque d’une indigestion de tout cet or, cet ivoire et ce marbre, qui en quantité telle que même le soleil absent parvient à s’y réfléchir.

Hélas! Plus on s’approche du sol, plus l’éclat fait défaut. Les filets antifiente de pigeon recouvrant la plupart des monuments n’empêchent pas la salissure des rues et des chaussures. Mais de cela, on ne s’en aperçoit pas, les yeux ne se détournant jamais des hautes cimes urbaines. La valse ne fut pas inventée afin de contourner les excréments des chevaux. Les crachats, tags et chewing-gums n’importunent que dans les urinoirs publiques, qu’ils soient payants ou non.

Ainsi comprend-on mieux pourquoi les Turcs ont trouvé bon de s’arrêter par deux fois dans cette somptueuse ville plus douce que tous les palais d’Orient.

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