Richelieu, créateur d’instituts paresseux et rétrogrades.

Contexte : depuis quelques temps, Oscar Gnouros me fait lire de drôles d’articles, comme celui- ou celui-ci. Des articles où la considération intéressante côtoie le dogmatisme le plus furibard. Nul doute que le créateur et auteur principal de Morbleu s’amuse à réfléchir à embêter son principal collaborateur. Savez-vous qu’il écrit des trucs du genre « Cher-e-s tout-e-s » ? Voilà pourquoi je m’autorise à publier ici cette petite chose, pour me calmer un peu. La guerre du neutre n’aura pas lieu.

Que regarder les clips s’avère plus efficace qu’on ne le croit !
Un girls band « Give it to me, I worth it ». J’étais trop occupé à contempler les filles, jusqu’à voir débarquer le rappeur, exhibant d’affreux chicots et filmé de trois quarts, nous révélant combien il est animal et ghetto, pauvre et ambitieux (ces deux derniers adjectifs sont sans doute déjà trop doux et très faux). Il portait une casquette, et quand j’étais petit c’était un bandana rouge. Une demi-seconde lui suffit pour me sortir de ma léthargie de désir, enfin semi-léthargie, car naturellement je comparais les filles, me disant qu’il doit y avoir des styles pour séduire le populo américain, et notamment celui de la petite latino américaine qui continue de m’échapper. NRJ Hits annonçait une soirée « Teen Pop » en lien avec ce clip, et je doutais sérieusement que ces jeunes femmes furent encore des teens, et espère encore qu’elles n’en sont pas. Et là, plus fort que des jeunes femmes servies comme modèles à des ados, sommet dégoûtant d’une décadence qui jusque-là m’agréait plutôt : le rappeur ! que précédait un plan pseudo-subliminal « feminism is sexy ».

Putain ! Les filles, le féminisme, le rappeur. C’est comme les théodicées : la toute-puissance, la bonté, le mal sur Terre : cherchez l’erreur. Si Leibniz pensait l’histoire, un mal pour un bien plus grand, et sans doute la survie de l’âme, que faire de ce clip ? C’est simple : regarder les décors. Chacune des cinq filles apparaissait dans un cadre personnalisé (plutôt classique dans ce genre de groupes, mon chouchou étant le petit film où chacun des One Direction s’affaire à séduire la caméra en POV, à achque fois selon un type différent de virilité « urbaine », avant de se révéler être un Don Juan un brin mytho, c’est rigolo – si mon vrai préféré fut Lady Marmelade). Ma favorite était une brune sur décor rose, les cheveux tirées en arrière, et peut-être armée d’une cravache. On avait planté un bel homme métro-sexué dans le décor, comme en cire et mis sous cellophane. La latino-américaine dansait sur un fond sombre, devant un bureau et un type assis au bureau. C’était son bureau au type, mais vu la danse de la dame, c’était devenu son bureau à elle, j’veux dire ! Il y avait deux Noires. Une faisait la panthère sur un piano, et l’autre affichait un rouge à lèvres très très rouge. Enfin une brune se tenait dans… une voiture. Je divaguais… C’était au réveil aussi. Apparut alors le rappeur, dans un couloir d’immeuble de bureau, qui remit LA philosophie la tête à l’endroit, du moins dans ma tête à moi. Les mecs des décors plaisent certes aux filles (qu’en est-il du rappeur?), mais les filles du band plaisent aux hommes. C’était à peu près tout sauf du féminisme.
Toutes ces lignes pour résumer une seconde d’esprit. Sans doute ne le valent-elles pas. Mais la vérité s’imposa avec force : la domination du masculin n’est pas dans la prédominance du neutre.

Jacqueline de Romilly. Si j’avais autant de culture que de paresse, je connaîtrais son avis et m’y plierais.

La grammaire n’est pas l’ennemi des femmes du monde, ni des trans ou des hommes. Mais parions ! Parions que la lutte contre la prédominance grammaticale du masculin produira ses effets ailleurs, selon les règles obscures mais évidentes d’un grand karma du monde… pardon, de la lutte archéo-généalogique contre la Domination, que vous toucheriez au cœur, tel le Hobbit jetant l’anneau dans le volcan. Oui, ces inepties militantes vont directement sauver les enfants ! Et mes quelques lignes ne font que soulager mon esprit de vos bavardages, dont je suis très persuadé qu’il nuisent à l’alphabétisation, et à quelques possibilités d’émancipation.

Chers amis, mes ami-e-s, préoccupez-vous plutôt d’alphabétisation ou d’orientation. Au mieux vos leçons de grammaire sont celles de professeurs préparant toute une classe d’âge aux mentions « Très bien », en oubliant d’apprendre d’abord à produire du passable. Au pire, on pourrait vous accuser d’égoïsme, d’incarner à votre tour la volonté de puissance, de prendre plaisir à dominer dans le monde bavard qu’est le vôtre – j’oserais dire un monde sans œuvre véritable, où Baudelaire est un macho, Gary un vieux beau, et Lino un type gentiment ringard ; un monde bien terne dont l’esthétique mérite amplement d’être révolutionnée à chaque humeur du temps. L’universitaire lutte pour avoir sa place dans le champ universitaire, avec des moustaches et l’histoire du neutre. Mais les pauvres… c’est au moins aussi chiant que les gosses.

J’aime bien créer des méchants ; voilà quelqu-e-s militant-e-s devenu-e-s complice-s et servant-e-s de la Domination. M’enfin, il me fallait bien exorciser ce rappeur.