AristoteL’homme est « un animal socio-politique », disait, grosso modo, Aristote. Il ne peut se concevoir hors d’un groupe : couple (homme et femme, mais aussi bien père et enfant, et bien entendu, maître et serviteur), famille, village, cité (polis – rien à voir avec Sting), sont les étapes graduelles de cette sociabilité qui aboutit aujourd’hui à l’amitié Web 2.0 façon Facebook des cyber-mondes, qui toutefois en constitue peut-être le degré le plus bas. Chacun possède des amis sans lesquels il lui serait impossible de se réaliser en tant qu’homme. L’amitié s’avère nécessaire à l’homme pour accomplir son essence.

Cependant, il y a amis et amis. Derrière un même nom ne se cache pas la même réalité. Tous ne sont pas de valeur égale. Comment alors distinguer entre vrai et faux ami ?

Aristote, dans sa grande sagesse, élabora une utile taxinomie qu’il nous légua, dans sa grande bonté. Il se posait les bonnes questions :

Par exemple, est-ce que tout le monde inspire de l’amitié ou bien est-il impossible, lorsqu’on est méchant, d’être l’ami de quelqu’un ? Et est-ce que l’amitié a une seule forme ou plusieurs ?

Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre VIII, 1155b.

Une condition minimale pour être ami est la suivante :

Donc, les amis doivent avoir de la bienveillance l’un pour l’autre et se souhaiter du bien sans s’ignorer, pour l’une quelconque des raisons qu’on a dites.

Ibid., 1156a.

Ces raisons d’aimer et d’être aimable, il y en a trois, et par conséquent, il y a trois formes d’amitié et trois grands types d’amis.

  1. L’amitié par intérêt. Lorsque quelqu’un nous est utile ou que nous lui sommes utiles. Hélas ! cette amitié est si désuète. « Ce n’est pas en tant que telle que la personne aimée inspire cette prédilection, mais en tant qu’utile. » Elle se dissout sitôt que l’intérêt de l’un ou l’autre des partis disparaît. On peut placer ici les amis avec qui on s’associe pour fonder une entreprise, gagner de l’argent, ou ceux que l’on sollicite pour des menu services. Les collègues de travail, la famille, le voisin qui sait faire une vidange ou ceux-là qui échangent les liens de leurs sites web.
  2. L’amitié par plaisir. Si nous trouvons agréable la compagnie de quelqu’un ou que quelqu’un trouve la notre telle. Hélas ! cette amitié est elle aussi si désuète. « La personne aimée n’est pas aimée pour ce qu’elle est, mais en tant qu’elle procure du plaisir. » Elle se rompt à l’instant même où les agréments de l’un ou de l’autre des partis diverge. Sont à ranger ici ces amis avec qui on joue au foot, on sort, boit, mange, danse – et pourquoi pas plus si affinités.
  3. L’amitié achevée fondée sur la vertu, la seule, l’unique la vraie. Alors que les deux amitiés ci-dessus décrites sont accidentelles, parce que fondées et dissoutes par certaines petites contingences, ici, « on se souhaite[nt] pareillement du bien les un[e]s aux autres en tant que personnes de bien et qui sont telles en elles-même. » L’amitié demeure là aussi longtemps que l’on reste vertueux. Cette amitié est stable, survit aux aléas qui nous font changer d’intérêts ou d’agréments. Mais c’est pourquoi elle est si rare, si difficile à découvrir.

EXERCICE PRATIQUE

Sur une feuille blanche, tracer trois colonnes correspondant respectivement à chacune de ces catégories, et répartir les noms de tous ses amis dans celles-ci.

Variante – créer trois groupes dans Facebook, MSN, ou tout autre instrument de connexion sociale, et répartir les noms de tous ses amis dans ceux-ci.

Surtout, ne pas oublier de situer Oscar Gnouros quelque part.

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