Comment prouver indubitablement l’existence de Dieu ?
Comme il est dit dans Les frères Dostoïevski Karamazov, « si Dieu n’existe pas, tout est permis ». On a tout à craindre d’un peuple qui se complairait dans l’athéisme le plus forcené, qui agirait comme s’il n’avait plus à redouter les foudres des puissances obscures. L’incroyance est un fléau qu’il faut vaincre, car elle est le premier pas sur le chemin conduisant vers l’anarchie de Sodome, de Gomorrhe, et autres Babylone.
Pour que la populace ne s’écarte pas encore plus du droit chemin, il faut commencer par lui enseigner que Dieu existe. À cette fin, plusieurs moyens et autant de preuves convaincantes.
- Dieu est immobile. Le sage Aristote (que son nom soit béni) remarquait judicieusement que le monde, dans son perpétuel changement, a besoin de mouvement. Or, il a bien fallu mettre un jour en branle tout l’édifice. Le mouvement initial doit bien reposer sur quelque chose d’immobile. On ne peut pas remonter de moteur en moteur jusqu’à l’infini. Il doit y avoir par conséquent un moteur immobile sur lequel tout repose : Dieu. CQFD.
- Dieu est grand. Le sage Saint Anselme de Canterbury (que Dieu le garde) remarquait intelligemment que Dieu est tel que rien de plus grand que lui ne peut être pensé. Dieu est ainsi le plus grand dans l’entendement de ceux qui le conçoivent ; mais il est encore plus le plus grand s’il existe dans l’entendement, et aussi en fait. Par conséquent, l’essence de Dieu implique qu’il existe nécessairement. CQFD.
- Dieu est moteur. Le sage Saint Thomas d’Aquin (que Dieu l’ait en sa bonne garde) remarquait brillamment lui aussi ce qu’Aristote déjà remarquait, à savoir que Dieu doit exister, car il est nécessaire qu’il y ait un premier moteur qui ne se meut pas, et qui, coïncidence, est Dieu. CQFD.
- Dieu est cause. Le sage Saint Thomas d’Aquin (que Dieu le bénisse) remarquait subtilement que dans l’univers, chaque effet doit avoir une cause. Or, il est impossible de remonter de cause en cause à l’infini, sans quoi il n’y aurait rien. Conséquence implacable : il doit y avoir une première cause, et cette cause, Ô miracle !, est Dieu. CQFD.
- Dieu est être. Le sage Saint Thomas d’Aquin (que son nom soit chéri) remarquait astucieusement que les choses du monde sont contingentes : elles sont, mais elles pourraient tout autant ne pas être. Par conséquent, tout pourrait très bien ne pas exister. C’est donc qu’il y a initialement de l’être qui n’est pas contingent, mais qui existe nécessairement. Et cet chose première qui ne doit son existence qu’à elle-même, c’est, stupeur, Dieu. CQFD.
- Dieu est étalon. Le sage Saint Thomas d’Aquin (que Dieu l’ait en sa sainte garde) remarquait admirablement qu’il y a en ce monde des choses plus ou moins parfaites. Mais comment les hiérarchiser sur l’échelle de la perfection si l’on ne possède pas un critère de la perfection ? Cet étalon du parfait, nous le possédons. C’est, miracle, Dieu. CQFD.
- Dieu est conducteur. Le sage Saint Thomas d’Aquin (qu’il s’asseye à la droite du seigneur) remarquait ingénieusement qu’il y a en ce très bas monde des choses douées de raison qui n’ont besoin de rien d’autre qu’elles-mêmes pour se fixer une fin, et d’autres choses dénuées de raison qui, quant à elles, ont besoin d’un principe supérieur pour se diriger. Il y a donc un conducteur suprême, qui n’est autre, par Toutatis !, que Dieu (him|her|it)self. CQFD.
- Dieu est perfection. Le sage Descartes (qu’il soit récompensé) remarquait finement que nous avons en nous une idée de la perfection. Or, comme nous sommes loin d’être parfaits, nous ne pouvons être la cause de cette idée, car il y a toujours plus dans la cause que dans l’effet. L’auteur de cette idée de la perfection dans notre entendement est donc au moins aussi parfait qu’elle, et à dire vrai, il n’y a que Dieu qui satisfasse cette condition, et par conséquent, il existe. CQFD.
- Dieu est parfait. Le sage Descartes (qu’il soit ressuscité) remarquait sagacement qu’il est plus parfait d’exister que de ne pas exister. Dieu étant la chose la plus parfaite que l’on puisse concevoir, il existe nécessairement car sinon, il ne serait pas aussi parfait que ça. CQFD.
- Dieu est pari. Le sage Pascal (que son nom soit prié) remarquait vénérablement qu’il y a plus à perdre en vivant athée qu’en vivant bigot. Autant être croyant, car si Dieu n’existe pas, tant pis, mais s’il existe, tant mieux. CQFD.
- Dieu est histoire. Le sage Bossuet (que son nom soit loué) remarquait onctueusement que l’histoire a un sens, qu’il y a quelqu’un à la tête de cette providence. Dieu. CQFD.
- Dieu est nature. Le sage Spinoza (que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde) remarquait sagement que tout ce qui est dans la nature est en Dieu, et que donc, il existe. CQFD.
- Dieu est principe. Le sage Leibniz (que Dieu lui offre mille jeunes vierges) remarquait espiéglement qu’il y a un principe de raison suffisante à toute chose. Or, il faut une raison suffisante ultime qui ne peut être que : Dieu. CQFD.
- Dieu est bon. Le sage Kant (que Dieu veille sur lui) remarquait perspicacement qu’il n’est pas possible de prouver que Dieu existe, mais qu’en revanche il fallait bien qu’il existe pour que dans la vie d’après, les méchants soient punis et les bons récompensé, pour que coïncide le souverain bien et la moralité. CQFD.
- Dieu est mort. Le sage Nietzsche (que Zarathoustra le protège) remarquait intempestivement que Dieu est mort. Or, pour qu’il décède, encore eut-il fallu qu’il fut. Donc, il est. CQFD.
On démasquera sans peine parmi cette douzaine d’apôtres, qui paraissent être une quinzaine simplement parce que certains bougent, l’inévitable Judas à moustaches traitre aux philosophes, qui au lieu de travailler à renforcer l’emprise nécessaire que doit avoir la religion sur le peuple afin que celui-ci marche au pas, œuvre en fait hélas ! à la destruction subreptice de toute foi, de toute moralité. Si seulement il pouvait se pendre, comme l’Iscariote en son temps !
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13 février 2009 à 13:23 Sylvaine[Citer] [Répondre]
Ta prose chirurgicale a l’énorme mérite d’exister.
Que le Très Haut te protège
13 février 2009 à 16:03 Luccio[Citer] [Répondre]
L’Iscariote n’a pas forcément de moustaches, c’est plutôt Oscar que Zarathoustra.
14 février 2009 à 14:20 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Ce texte est effectivement de très mauvaise foi. J’aurai besoin de toutes les prières afin de ne pas être châtié durement en raison de ces blasphèmes latents.
20 février 2009 à 21:31 P'tit Loup[Citer] [Répondre]
L’idée d’un ou plusieurs êtres suprêmes et les religions qui les entourent ne sont que des tours de passe-passe- psychologiques visant à soulager l’homme de la terreur de son annihilation par la mort (Terror Management Theory en psychologie clinique).
D’ailleurs, allez trouve une seule religion qui n’ait pas une quelconque carotte divine, une forme de survie après la mort…
21 février 2009 à 0:10 Gnouros[Citer] [Répondre]
Cher P’tit Loup, je suis tout à fait d’accord avec vous et vous applaudis des deux mains ! Sur le sujet, j’en étais resté aux thèses plus classiques des Feuerbach, Marx, Nietzsche et autres Freud ; je découvre grâce à vous la Terror Management Theory qui semble donner un contenu factuel plus précis. Merci pour cette référence 🙂
27 février 2009 à 21:35 Luccio[Citer] [Répondre]
De même, les hommes se sentent seuls, toujours, et même dans la relation sexuelle. Et ce n’est que pour se convaincre qu’ils pensent à l’autre qu’ils inventent l’amour.
Ainsi, l’amour s’explique psychologiquement ; le premier qui viendra m’en parler me fera bien rire, il ne voit même pas qu’il concerne ceux qui ont peu de ressources psychologiques, qui ne peuvent que s’inventer cette chose qui n’existe pas.
27 février 2009 à 21:45 Luccio[Citer] [Répondre]
D’ailleurs tous les adolescents croient tomber amoureux.
3 mars 2009 à 15:27 Luccio[Citer] [Répondre]
Bon, je dévoile ma clef, moi je n’ai rien contre l’existence de l’amour, voire pour, et ça doit être un peu pareil pour l’existence de Dieu.
Disons que j’ai tenté une parodie de l’argument développé en commentaire. Certains connards (mais peut-être aussi des gens biens) auraient crié au loup et en latin à la réduction ad hitlerum.
12 avril 2009 à 11:27 wouf[Citer] [Répondre]
Un jour un élève m’a fait remarqué que quand on essaye de démontrer une assertion, c’est qu’elle est vraie. Autrement on poserait (dans un énoncé mathématique) la question autrement.
Donc :
Si on demande de démontrer l’existence de Dieu, c’est FORCEMENT qu’il existe !
Par contre, si on s’était posé la question de son existence…
14 avril 2009 à 11:09 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Il doit y avoir en effet un peu de ce sophisme, qui ressemble à s’y méprendre à la forme de l’argument ontologique, lequel déduit l’existence de Dieu à partir de sa simple essence. Or, à en croire Kant, toutes les preuves de l’existence de Dieu ont pour fondement plus ou moins dissimulé cet argument ontologique…
Cependant, je crois discerner un peu mieux l’objection que vous proposez : « démontrez l’existence de Dieu » s’assimile à une question du type : « démontrez que la somme des trois angles d’un triangle équivaut à celle de deux droits ». En somme, c’est une question du type « contrôle des connaissances établies » : il y a une vérité que l’on sait être, et il s’agit de montrer comment la retrouver ; on interroge donc sur la ratio cognoscendi de Dieu mais pas sur la ratio essendi. On sait que ce qu’il faut démontrer existe, l’inconnue reste : comment le faire ?
Avec cela, vous risquez d’ouvrir la porte au plus dangereux athéisme. Heureusement que l’existence de Dieu est un fait, un donné : 1) on le sait car c’est écrit dans la Bible ; 2) la voie et la voix du cœur enseigne intimement son existence, et là est d’ailleurs le privilège de l’homme sur la bête.
Par conséquent, toutes ces preuves ne sont là que pour démontrer scientifiquement ce que l’on savait déjà, de la même manière que les calculs de résistance des matériaux nous prouvent scientifiquement ce que l’on savait déjà, c’est-à-dire que l’on pouvait franchir un pont sans que celui-ci ne s’écroule.