Comment gagner les élections ? Que la volonté générale est introuvable
Suffrages, suffrages ! Expression des volontés particulières, expression de la volonté générale ! Analysons si en leur fond les élections sont un piège à cons.
- Comment gagner les élections ? Que la volonté générale est introuvable
- Comment gagner les élections ? Que la volonté particulière est introuvable
« Démocratie » : étymologiquement, « le pouvoir dans le peuple » ; selon le mot de Lincoln, « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Un vain mot ? C’est pourtant sur son paradigme que nos sociétés tâchent de se bâtir. Le Contrat social de Rousseau prétendait libérer l’homme en soumettant sa volonté particulière à la volonté générale s’exprimant dans les suffrages. « Quand on propose une loi dans l’assemblée du Peuple […] ; chacun en donnant son suffrage dit son avis là-dessus, et du calcul des voix se tire la déclaration de la volonté générale. Quand donc l’avis contraire au mien l’emporte, cela ne prouve pas autre chose sinon que je m’étais trompé, et que ce que j’estimais être la volonté générale ne l’était pas. [1] »
La démocratie est fragile en bien des points, à commencer par l’organisation des suffrages. Avant même qu’il soit question de bourrer les urnes ou de faire voter les morts, il faut en effet remarquer que la simple façon de comptabiliser les votes possède une importance déterminante. Organiser un scrutin, à un tour ou à deux tours, voter à la proportionnelle ou à la majorité, autoriser un seul ou au contraire plusieurs noms sur les bulletins de vote, permettre de classer ou non les candidats par ordre de préférence : de telles décisions axiomatiques ont une incidence majeure qui parfois est sous-évaluée. Pour des mêmes scores, des résultats différents. L’algorithme choisit pour décider du gagnant d’une élection fait davantage l’élection que les électeurs eux-mêmes.
Face à des choix de programmes, de doctrines et de partis, face à plusieurs candidats devant représenter à la fois des idées et le peuple, les électeurs établissent implicitement une classification. On préfère tel individu particulier à un autre, tout en préférant cet autre individu à un autre autre, et ainsi de suite. Un classement des candidats est établi de façon sous-jacente, qui hiérarchise strictement les choix entre eux. Mais ce classement reste invisible : on n’en voit que ce que l’organisation des suffrages veut bien laisser apparaître. La vraie structure relationnelle des choix reste immergée derrière les résultats de suffrages qui la rende tangible, mais qu’en partie.
Imaginons ainsi quelques cinq candidats et candidates se disputant âprement et affreusement, cherchant à se distinguer et à se positionner en des lieux bien précis de l’espace politique : Alfred, Bérénice, Christobal, Donatienne et Édouard [2]. Après une campagne aussi mouvementée qu’elliptique, faite de coups bas et d’envolées idéologiques, les 29 millions d’électeurs ont abouti aux classements des choix suivants :
Classements sous-jacents des choix | |
Classements [3] | Nombre de citoyens |
E > D > B > C > A | 10 millions |
A > B > D > C > E | 8 millions |
C > A > B > D > E | 5 millions |
D > C > B > A > E | 4 millions |
B > C > D > A > E | 2 millions |
Le hasard fait vraiment bien les choses : les 29 millions de futurs électeurs n’ont formé que 5 classements différents, alors qu’il y en a en fait 120 possibles. [4] Mais tels sont en tout cas les choix implicitement formés par tous ces électeurs virtuels ; mais ceux-là ne se sont pas encore exprimés par la voie des urnes ; il s’agit maintenant d’organiser le scrutin le mieux possible afin que la fameuse « volonté générale » libératrice puisse émerger à partir de ces classements implicites et puisse s’incarner en un seul candidat. Plusieurs solutions, mais un candidat gagnant différent pour chacune. Des systèmes tous justes en apparence, mais qui ne permettent pas, précisément, de faire l’unanimité.
- Scrutin uninominal majoritaire à un tour. On n’autorise qu’un seul nom sur le bulletin, et on ne fait qu’un seul tour. Le gagnant est simplement celui qui obtient le plus de suffrages, même s’il n’obtient pas la majorité absolue (plus de 50% des voix). Ici, le vainqueur serait Édouard, puisque 10 millions d’électeurs l’ont placé en premier choix de leur classement, bien devant tous les autres, quand bien même il n’aurait rassemblé que moins d’un tiers des voix, les 19 millions d’autres électeurs le plaçant bien plus loin dans leurs classements.
- Scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Le système précédant étant imparfait, on peut souhaiter le réformer pour un système similaire à celui utiliser lors de l’élection présidentielle française, en organisant un second tour où s’affrontent les deux candidats les mieux placés lors du premier. Nous aurions alors un second tour qui feraient s’affronter Alfred (8 millions d’électeurs) et Édouard (10 millions). Reprenant nos classements de préférences, on peut déduire par élimination les hiérarchies suivantes lors du second tour − ce qui correspond peu ou prou à ce que l’on nomme le « report de voix » :
Classements sous-jacents pour les deux choix les mieux placés Classements Nombre de citoyens E > A 10 millions A > E 8 millions A > E 5 millions A > E 4 millions A > E 2 millions Soit, 10 millions d’électeurs pour Édouard et 19 millions pour Alfred, qui est notre vainqueur dans ce système.
- Vote alternatif. On peut souhaiter faire plusieurs tours, et à chacun éliminer le candidat le plus mal placé (comme dans l’émission Top Chef, qui enchaîne les votes jusqu’à la fameuse et terrible épreuve de la « dernière chance »). Nous aurions alors tour à tour les résultats suivants :
1er tour : Édouard (10 millions) ; Alfred (8 millions) ; Christobal (5 millions) ; Donatienne (4 millions) ; Bérénice (2 millions d’électeurs, qui est donc éliminée).
2ème tour : Édouard (10 millions) ; Alfred (8 millions) ; Christobal (7 millions) ; Donatienne (4 millions, qui s’en va rejoindre Bérénice).
3ème tour : Christobal (11 millions) ; Édouard (10 millions) ; Alfred (8 millions, le vainqueur du deuxième système, qui nous quitte également).
4ème tour : Christobal (19 millions d’électeurs) ; Édouard (10 millions, le vainqueur du premier système).Le vainqueur est donc en définitive Christobal.
- Méthode Borda. Jean-Charles de Borda, mathématicien contemporain du grand Condorcet, jugeait la méthode de ce dernier trop compliquée à mettre en œuvre, et proposa un système de pondération des votes. Chaque électeur exprime le classement de ses choix, et 5 points sont attribués pour les premières places, 4 points pour la deuxième, et ainsi de suite (un peu à la manière de l’Eurovision ou du Championnat du Monde de Formule 1). Nous aurions alors les sommes suivantes :
Méthode Borda Candidats Nombres de points Donatienne 4 * 10 + 3 * 8 + 2 * 5 + 5 * 4 + 3 * 2 =
40 + 24 + 10 + 20 + 6 =
100 millionsBérénice 3 * 10 + 4 * 8 + 3 * 5 + 3 * 4 + 5 * 2 =
30 + 32 + 15 + 12 + 10 =
99 millionsChristobal 2 * 10 + 2 * 8 + 5 * 5 + 4 * 4 + 4 * 2 =
20 + 16 + 25 + 16 + 8 =
85 millionsAlfred 1 * 10 + 5 * 8 + 4 * 5 + 2 * 4 + 2 * 2 =
10 + 40 + 20 + 8 + 4 =
82 millionsÉdouard 5 * 10 + 1 * 8 + 1 * 5 + 1 * 4 + 1 * 2 =
50 + 8 + 5 + 4 + 2 =
69 millionsCette fois-ci, nous avons comme vainqueur Donatienne.
- Méthode Condorcet. Pour tout un ensemble de raison tenant à la résolution du paradoxe de Concorcet, on optera pour ce système consistant à comparer chaque candidat aux autres afin de déterminer qui l’emporte. Combien d’électeurs préfèrent tel candidat à tel autre ? Le candidat préféré à tous les autres candidats est le vainqueur. La méthode est plutôt laborieuse. Voici les comptes :
Méthode Condorcet Préférences Nombres d’électeurs (millions)
A > B 8 + 5 = 13 A > C 8 A > D 8 + 5 = 13 A > E 8 + 5 + 4 + 2 = 19 B > A 10 + 4 + 2 = 16 B > C 10 + 8 + 2 = 20 B > D 8 + 5 + 2 = 15 B > E 8 + 5 + 4 + 2 = 19 C > A 10 + 5 + 4 + 2 = 21 C > B 5 + 4 = 9 C > D 5 + 2 = 7 C > E 8 + 5 + 4 + 2 = 19 D > A 10 + 4 + 2 = 16 D > B 10 + 4 = 14 D > C 10 + 8 + 4 = 22 D > E 8 + 5 + 4 + 2 = 19 E > A 10 E > B 10 E > C 10 E > D 10 Ceci connu, il s’agit maintenant de faire des duels entre chaque paires.
Alfred ne gagne qu’un seul duel, face à Édouard :
13 millions d’électeurs préfèrent A > B contre 16 millions, B > A → B > A
8, A > C ; 21, C > A → C > A
13, A > D ; 16, D > A → D > A
19, A > E ; 10, E > A → A > EBérénice gagne en revanche tous ses duels :
16, B > A ; 13, A > B → B > A
20, B > C ; 9, C > B → B > C
15, B > D ; 14, D > B → B > D
19, B > E ; 10, E > B → B > EChristobal ne gagne que face à Édouard et Alfred :
21, C > A ; 8, A > C → C > A
9, C > B ; 20, B > C → B > C
7, C > D ; 22, D > C → D > C
19, C > E ; 10, E > C → C > EDonatienne ne perd que face à Bérénice :
16, D > A ; 13, A > D → D > A
14, D > B ; 15, B > D → B > D
22, D > C ; 7, C > D → D > C
19, D > E ; 10, E > D → D > EÉdouard perd en revanche tous ces duels [5] :
10, E > A ; 19, A > E → A > E
10, E > B ; 19, B > E → B > E
10, E > C ; 19, C > E → C > E
10, E > D ; 19, D > E → D > EC’est donc Bérénice qui est élue suivant ce système, car la candidate préférée à tous les autres candidats.
La « volonté générale », cette entité allant presque de soi pour Rousseau et ses suiveurs, s’avère ainsi difficile à cerner : chaque candidat est tout aussi légitime que les autres pour être élu, suivant la façon dont on autorise la volonté générale à s’exprimer. La volonté générale veut en fait tout et son contraire. Fonder la démocratie sur de telles conceptions pourrait bien être chimérique : donner l’illusion au peuple que les lois et institutions ont bien pour cause sa seule volonté. Ce sont de telles constatations qui aboutirent à la formulation du « théorème d’impossibilité d’Arrow ». La démocratie parfaite n’existe pas, et ceux qui en promettent une sont des imposteurs feignant d’ignorer que ce qui sort des urnes n’est pas que la voix du peuple, mais la voix du peuple s’exprimant suivant une certaine modalité. Si bien qu’en réformant judicieusement les systèmes de vote utilisés, la France pourra peut-être un jour gagner à nouveau le merveilleux concours de l’Eurovision [6], et avoir Jacques Cheminade pour président.
P.S. : Puisqu’il faut rendre à César les hommages qui lui reviennent, signalons que l’idée de ce billet est due à la malheureusement défunte émission Archimède qui passait naguère sur ARTE.
________________________
[1] Rousseau, « Des suffrages », Du contrat social, IV, II.
[2] Les prénoms et sexes ont été changés pour protéger l’anonymat des candidats.
[3] Nos candidats ont, comme par hasard, chacun pour initiale l’une des premières lettres de l’alphabet, ce qui simplifie bougrement bien les choses.
[4] Et oui : le nombre de façon d’arranger un ensemble est égal à la factorielle de la cardinalité de celui-ci, c’est à dire 5!. Nous avons 29 millions d’électeurs ; la probabilité que ceux-là ne produisent que 5 classements sur les 120 possibles doit être à peu près équivalente à (29 * 10 ^ 6 ) ^ 115, si je ne me trompe.
[5] Paradoxe du candidat (de Condorcet) qui fait le plus de voix au premier tour, mais que personne ne peut saquer en fait.
[6] Morbleu ! met d’ailleurs au défi ses lectrices de trouver, à partir des résultats passés de l’Eurovision, un système de vote permettant de rendre la France victorieuse avec les mêmes systèmes de préférences. Un bisou gratuit pour qui y arrive la première.
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16 avril 2012 à 22:56 Luccio[Citer] [Répondre]
Archimède, c’était pas une émission avec la voix de Claude Piéplu ?
17 avril 2012 à 14:20 Dédé La Rana[Citer] [Répondre]
» Le Contrat social de Rousseau prétendait libérer l’homme en soumettant sa volonté particulière à la volonté générale »
« soumission » ?
le CS, c’est pas un match de catch entre la volonté particulière et la volonté générale
17 avril 2012 à 14:29 Dédé La Rana[Citer] [Répondre]
La Volonté générale pour Rousseau n’est pas l’opinion majoritaire
17 avril 2012 à 15:05 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Justement, on sait pas ce que c’est. Certaines lectures du Contrat social font une analogie avec le calcul intégral ; d’autres avec la relation de Chasles. L’idée de Rousseau paraît évidente à première vue ; en fait, lorsqu’il s’agit de montrer concrètement comment elle se manifeste, on est dans l’impasse.
Cependant, pour la question de la majorité, dans le chapitre en question sur les suffrages, Rousseau n’exclut pas cette possibilité : « dans les délibérations qu’il faut terminer sur-le-champ l’excédent d’une seule voix doit suffire. »
Cette métaphore sportive parvient mal à me faire comprendre comment Rousseau résout le problème de l’accord entre volontés particulières et volonté générale. Il me semble bien qu’on peut en rendre compte par l’idée de soumission : Rousseau dit même ailleurs qu’il faut « forcer à rendre libre ».
Tu dois confondre avec les Shadoks.
17 avril 2012 à 15:23 Dédé La Rana[Citer] [Répondre]
du concret: comment le législateur s’adresse au peuple? il le « soumet » à coups de bâton?
17 avril 2012 à 15:54 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Pour Rousseau, les volontés particulières doivent-elles, oui ou non, s’effacer devant la volonté générale ? Par quelle procédure peut-on arriver à connaître ce que veut la volonté générale ?
17 avril 2012 à 16:14 Dédé La Rana[Citer] [Répondre]
Jésus
20 avril 2012 à
[…] Comment gagner les élections ? Que la volonté particulière est introuvable Politique Oscar Gnouros 20 avril 2012, 12:33 « Comment gagner les élections ? […]
21 avril 2012 à 15:44 Luccio[Citer] [Répondre]
Le seul candidat vraiment juste de cette élection sera celui qui récoltera 10% des votes. Les autres seront gourmands ou un peu paresseux.
27 mai 2012 à
[…] pas saisi toutes les subtilités de la démonstration présentée il y a peu quant aux difficultés posées par les différents modes de scrutin afin de cerner la volonté du peuple, pour ceux qui douteraient encore du théorème d’impossibilité d’Arrow, grâce à la […]
25 juin 2012 à 10:41 TP[Citer] [Répondre]
Juste une objection technique.
La volonté générale ne saurait se déclarer sous une autre forme que celle de la loi (CS, II, VI).
Sa généralité est double : elle est celle de sa forme, certes (c’est tout le peuple qui vote), elle est également celle de son objet (le peuple statue sur tout le peuple).
Donc l’élection de tel ou tel n’est pas l’expression de la volonté générale par essence (et je renvoie de surcroît à la critique de la représentation chez Rousseau, CS, III, XV) : ça c’est autre chose, c’est une affaire de magistrature.
A la limite : le choix du type de scrutin est justement l’objet de la volonté générale (le principe de majorité en est une suite, voir I, V « la loi de majorité est elle même un établissement de convention »).
La volonté générale c’est un principe, ce n’est pas quelque chose qu’on doit « trouver ». C’est un principe qui veut que ceux que la loi concerne doivent avoir le droit de la voter : quand la loi concerne tout le monde, c’est tout le monde qui doit la voter (et pas des parlementaires payés pour ça). Le passage que vous citez en exergue de votre très pédagogique analyse s’inscrit dans ce contexte : il s’agit des suffrages à propos d’une affaire générale et non dans le cadre d’une élection, qui plus est de représentant qui ne pourraient qu’aliéner la volonté générale en prétendant s’y substituer ou, justement, la « connaître » ou la « comprendre » (« je vous ai compris »)…
25 juin 2012 à 20:02 Gnouros[Citer] [Répondre]
À l’évidence, vous connaissez certainement mieux Rousseau que moi. Peut-être l’ai-je mêlé trop hâtivement et imprudemment à l’idée que j’essayais de faire passer.
Si j’ai parlé de Rousseau, c’est parce que certaines interprétations audacieuses un peu métaphysiques de la volonté générale, encouragées par l’étymologie du terme démocratie (pouvoir au/du/dans le peuple), saisissent les suffrages pour montrer que c’est à ce moment là qu’un peuple réalise sa liberté. L’interprétation métaphysique du rousseauisme laisse penser qu’une volonté générale un peu fantomatique plane au-dessus des individus d’un peuple et les transcende, et prétend pouvoir la cerner par les suffrages.
Un énoncé du type : « Les Français ont choisi telle chose ou telle personne », est parfaitement fallacieux, puisque ce n’est pas la pure volonté générale des Français qui sort des urnes, puisque l’on aurait pu obtenir tout à fait autre chose en recomptant les voix simplement autrement.
26 juin 2012 à 18:29 TP[Citer] [Répondre]
J’ai tout à fait saisi le sens du propos que vous tenez et avec lequel je m’accorde entièrement excepté, donc, sa prémisse ou plus exactement son entrée en matière (mon objection ne conteste pas le contenu de l’article).
Sur les modes de scrutin, il est vrai que cette question ô combien importante est relativement absente du débat public lors même qu’elle inquiète la démocratie dans ses aspirations les plus profondes (et peut être, comme vous le dites ailleurs, chimériques) : il y a de l’arbitraire dans l’élection et donc en effet, on ne peut pas dire qu’il y ait une volonté générale qui soit calculable à propos de l’élection de candidats puisqu’il n’y a pas de formalisation qui parvienne à l’explicitation et à l’expression optimum des préférences. Et c’était importante de le rappeler parce qu’en effet ça fragilise énormément la légitimité de celui qui prétend qu’il a été élu selon les règles du jeu démocratique, ces règles étant non pas absolues mais précisément arbitraires (et c’est pour ça qu’à la limite ces règles peuvent être des décisions de la volonté générale, enfin bref..)
C’est Lefort, grand penseur politique disparu il y a peu, qui définissait justement la démocratie non par l’étymologie (qui est un trompe l’oeil) le pouvoir du peuple, au peuple, par le peuple (Rousseau déjà disait que c’était impossible mais encore une fois il faut aller lire le chapitre c’est très précis) mais par son caractère, justement, d’inachèvement, de lieu vide, personne ne peut dire : « j’ai le pouvoir » ou « j’incarne la volonté générale ».
Je termine sur Rousseau parce que j’ai peur, dans le dernier commentaire, d’être allé un peu vite et d’avoir pu paraître abstrait. Ce que dit Rousseau, c’est que justement, l’objet de la volonté générale doit être quelque chose de général, une affaire qui regarde tout le monde (donc par exemple : une loi qui n’affecte qu’une partie de la population, par ex. les roms ou les chômeurs, ne peut pas être l’expression de la volonté générale) : c’est ça qui fait qu’ensuite la décision est légitime (tout le monde a délibéré et a opté). Enfin bon. Sinon ma propre position à propos du vote actuellement en vigueur est là.
10 juillet 2012 à
[…] Afin de m’assurer que la Suède n’avait pas volé sa victoire lors de l’Eurovision 2012, j’ai refait tous les calculs, suivant le scrutin majoritaire à 1 tour, à 2 tours, selon le vote alternatif, la méthode Borda (qui est en fait le mode de calcul utilisé par l’Eurovision), et la méthode Condorcet (de loin la plus pénible à mettre en œuvre), comme on l’avait montré par ailleurs et par exemple. […]