Le ParadisTu cherches les clefs du Paradis ? Je raisonnerai classiquement, un peu de manière kantienne. Pris en son sens religieux, « Lieu où les âmes des justes jouissent de la béatitude éternelle », le Paradis reste un objet métaphysique dépassant les limites de notre sensibilité. Personne n’a jamais vu le Paradis. Ou en tout cas, personne n’en est revenu pour nous le dire, en dehors des récits mythologiques. Il sort du régime de la connaissance : il est impossible d’établir s’il existe, ou s’il n’existe pas.

N’étant pas un objet de connaissance, il reste toutefois un objet de croyance. On peut croire en son existence, ou bien ne pas y croire. Tout comme on peut croire ou ne pas croire en l’existence de Dieu, ou en l’immortalité de l’âme. C’est ici que l’affaire se corse, car elle divise.

Kant (il ne parlait pas exactement du Paradis, mais on peut faire comme s’il en parlait) récusait tous les raisonnements visant à démontrer l’existence de tous les objets métaphysiques car la raison spéculative (la raison qui nous fait réfléchir dans les sciences) ne conduit à rien dans ce domaine. En revanche, pour ce qui est de la raison pratique, c’est-à-dire la morale, il essaya de montrer que l’on était obligé, dans un certain sens, de postuler l’existance de l’âme, de la liberté, de Dieu afin de, c’est ce qui nous intéresse, rendre compatible l’existence morale terrestre avec la béatitude éternelle (je n’ai plus les termes exacts, je cite de mémoire). Autrement dit, Kant postule comme l’équivalent du Paradis.

Alors si tu es kantien, voilà comment tu dois faire pour atteindre le paradis. C’est simple. Respecter le célèbre impératif catégorique : « agis de telle sorte que tu puisses vouloir que chacun agisse de même » (là encore de mémoire), « traite toujours les hommes comme des fins et jamais seulement comme des moyens » (là je suis encore moins sûr de la citation). Il y a encore une troisième formulation, mais ma mémoire flanche sérieusement.

Voilà une solution. Mais il en existe d’innombrables, presque autant qu’il y a d’hommes qui croient au Paradis. Du coup, difficile de t’aider. Il faudra demander à un théologien, pas à un philosophe (même si Nietzsche disait que les philosophes sont tous des prêtres déguisés).

D’ailleurs, en parlant de Nietzsche (là, c’est ma deuxième partie), lui te dirait que tout cela, le Paradis, c’est un arrière-monde que tu te projettes et qui te sert à te leurer toi-même car tu souffres trop à vivre dans le monde tel qu’il est et à assumer ce que tu es, car tu es trop faible. Marx dirait que le Paradis, c’est l’opium du peuple qui permet aux opprimés de supporter la misère que leur infligent les plus grands en leur donnant une image inversée de ce qu’ils ont et sont (Feuerbach). Ces deux là te diraient d’oublier le Paradis : ta liberté dépend de sa suppression.

Mais tu auras beau arrêter d’y croire (oui, c’est ma troisième partie), le Paradis sera toujours là quelque part, là dans ta tête. C’est une Idée de la raison, au sens kantien. Cela rejoint les théories politiques sur l’utopie. Le Paradis comme Idée, c’est le monde comme tu l’imagines qu’il serait s’il était parfait. Cette Idée te sert à juger du monde réel, de voir ce qu’il ne te plait pas en lui, et pourquoi pas de le modifier pour tendre vers la réalisation de ton Idée du Paradis. Je dis « ton » Idée, car là encore, il y a au moins une Idée par personne, et tous ceux qui ont cru que leur Idée était celle de tout le monde ont réussi finalement à faire un Enfer (stalinisme, etc). Du coup, la seule Idée du Paradis qui est peut-être valable et qui mérite que l’on se batte pour elle est peut-être celle de la démocratie, seul Paradis dans lequel les hommes peuvent confronter leurs différentes Idées du Paradis sans violence.

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